Il n’y a pas qu’à Notre-dame-des-Landes que les forces de l’ordre tentent de protéger les intérêts de groupes privés. Dans le Morvan, en Bourgogne, une petite centaine de gendarmes font face à quelques dizaines de citoyens, qui tentent depuis le 4 février d’empêcher les tronçonneuses d’abattre les arbres du bois du Tronçais. Situé sur la commune de Sardy-les-Epiry, aux portes du Parc naturel du Morvan, le bois du Tronçais a été choisi par l’entreprise Erscia – Energies renouvelables et sciages de France – pour implanter un gigantesque complexe industriel. Qui cumulerait une plateforme de sciage, une centrale de cogénération de biomasse et une production de granulés destinés à produire de l’électricité en Belgique.
Les membres de l’association Adret Morvan, opposés au projet pointent les risques de déforestation et de pollutions atmosphériques liées à la cogénération. Ils craignent aussi la destruction des industries locales déjà installées, le trafic de camions – 170 camions par jour prévus dans certaines communes – et la perte de ressources touristiques. Ils dénoncent, avec l’envoi des forces de l’ordre, « un passage en force de la Préfecture » ignorant les avis du tribunal administratif de Dijon. Celui-ci a « déjà rendu trois jugements ordonnant la suspension de l’autorisation de destruction d’espèces ». Le bois du Tronçais abrite plusieurs espèces protégées (batraciens et chauve-souris).
Un projet privé avec 75% de fonds publics
Les élus régionaux d’Europe-Écologie-les-Verts doutent eux aussi de la pertinence du projet Erscia. « L’entreprise promet 120 emplois directs… mais la réalité de ces promesses peut être remise en cause. Fruytier, l’autre méga-scierie en activité à la Roche-en-Brénil (en Côte d’or) connait des difficultés à embaucher : sur les 80 emplois annoncés seulement la moitié est aujourd’hui effective », dénoncent ces élus. Ils reprochent aussi au projet d’être vorace en fonds publics : « Ce projet privé compte sur les fonds publics pour se financer (aides européennes, ponction des collectivités locales) pour près de 75% des 150 millions d’euros inscrits à son budget ».
Parmi les soutiens inconditionnels au projet de méga-scierie, le député socialiste Christian Paul, membre de la « Gauche durable ». Qui affirme vouloir « repenser notre modèle de croissance, remettre l’égalité des territoires au cœur de l’action publique et créer des cadres démocratiques et participatifs nouveaux ». Une fois la scierie construite ?