« Nous, les écologistes, nous sommes leur ennemi principal, à abattre absolument. » Benjamin Joyeux fait partie des 28 élus écologistes au conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2021, qui siègent dans l’opposition. Depuis, lui et les autres écolos font face aux attaques incessantes des élus régionaux d’extrême droite, 13 du Rassemblement national, 4 rattachés à Reconquête (dans un groupe appelés “Liberté, Identité, Souveraineté”).
« Ils nous attaquent avec toujours la même rhétorique, nous accusant d’être “wokistes”, “bobos”, “végano-islamo-gauchistes”. C’est un champs lexical qui revient en permanence à chaque assemblée plénière, rapporte l’élu écolo. C’est mon premier mandat. Quand je suis arrivé en 2021, la violence des propos, qui n’a fait qu’augmenter au fur et à mesure, m’a déstabilisé. » Puis Benjamin Joyeux a commencé à les consigner, de même que les attaques des élus régionaux RN et de Reconquête contre les associations, l’immigration, ou encore l’égalité femmes-hommes.
En avril 2021, en assemblée plénière, l’élue RN Muriel Coativy s’en prend ainsi aux écologistes au sujet des parc naturels régionaux, qui seraient « gangrénés par des idéologues fanatiques de l’Apocalypse, des Khmers verts comme nous aimons justement les nommer ». Le qualificatif de khmers verts renvoie au régime meurtrier des Khmers rouges, qui a conduit à la mort près de 2 millions de personnes au Cambodge entre 1975 et 1979.
L’élue Reconquête Isabelle Surply a utilisé en 2021 le même qualificatif de « Khmers verts » à l’encontre de France Nature environnement, une association environnementale qui existe depuis plus de 50 ans. Pour l’élue d’extrême droite, c’est une association « militante, trustée par les écolos », qui utiliserait « les fonds publics pour payer entre autres des salariés qui, en dehors de leurs heures de travail, militent pour l’armée des khmers verts qui veulent détruire notre civilisation et détestent parfaitement ce que nous sommes ».
Attaques contre la Licra
Les élus RN et Reconquête s’en sont aussi pris à plusieurs reprises à la Licra, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, créée en 1927, qui reçoit une subvention de la région Auvergne-Rhône-Alpes. En décembre 2021, l’élu Reconquête Vincent Lecaillon accuse la Licra de servir une « idéologie » « instrumentalisée contre les Français, les Européens et les chrétiens ». Il fustige aussi dans la même prise de parole « ces associations immigrationnistes communautaristes financées par l’ensemble des collectivités et donc par les électeurs ». En décembre 2022, Alexis Jolly, élu RN (devenu depuis député), demande lui aussi à supprimer la subvention de la région à la Licra, qu’il accuse aussi d’être une association « immigrationniste ». Il lui reproche surtout d’avoir appeler à voter contre Marine Le Pen.
Plus largement, Stéphane Blanchon, élu Reconquête, appelle en décembre 2021 à supprimer « toutes les subventions à destination d’ennemis politiques, bien camouflés dans d’innombrables associations et autres collectifs qui sont autant de paravents, de subversions de politiques intellectuelles et morales ». Lors de la même séance plénière, Isabelle Surply (Reconquête) appelle à « remettre la femme à sa place » et regrette le temps fantasmé de « la beauté de la féminité quand les femmes ressemblaient à des femmes et avaient envie de ressembler à des femmes ». On retrouve aussi la veille rhétorique xénophobe, quand Alexis Jolly, élu RN, parle en 2021 devant l’assemblée régionale de « folie migratoire qui tue nos compatriotes ».
« Sur les votes, les deux groupes RN et Reconquête se retrouvent. Ils ont la même haine pour les éoliennes. Ils ont le même amour du nucléaire et la même détestation de tout ce que peut représenter l’écologie, pour eux des bobos des villes déconnectés qui privilégieraient l’étranger au détriment du local. C’est toujours les mêmes diatribes qu’on entend », rapporte l’écologiste Benjamin Joyeux.
Le rôle de Wauquiez
Il a tout de même constaté une nuance entre les discours des deux groupes d’extrême droite. « Ce ne sont pas tout à fait les mêmes champs lexicaux, explique-t-il. Les deux sont très violents envers les écologistes, mais du côté de Reconquête, ils nous font passer pour des ennemis de l’intérieur, en disant que nous serions des islamo-gauchistes qui voudraient détruire la nation française. Alors que le RN nous attaque sur les éoliennes ou le nucléaire, ils disent que nous serions des fous dangereux qui mettraient en l’air les classes populaires. Les deux cherchent à nous sortir du champs républicain pour s’y inclure. »
Benjamin Joyeux dénonce aussi le président de la région, Laurent Wauquiez (Les Républicains) qui « prend souvent fait et cause pour les élus de Reconquête et critique les arguments du Rassemblement national. Il semble avoir fait son choix en voulant fusionner idéologiquement avec l’extrême droite bourgeoise représentée par Eric Zemmour ». Laurent Wauquiez avait accueilli Eric Zemmour en 2019 au siège de LR en disant « Eric est ici chez lui ».
Malheureusement, ajoute l’élu écolo, « ce qui se passe au sein du conseil régional est peu suivi par la population. Depuis la fusion des régions, ça paraît très lointain. Les gens en prennent conscience quand ils voient la subvention de leur association coupée quand ils ne sont pas dans le bon réseau vis-à-vis de Laurent Wauquiez. » Le président de région Laurent Wauquiez n’a jamais caché ses ambitions pour la présidentielle. Il se présente pour l’instant aux législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet dans sa circonscription de Haute-Loire. Il aura en face de lui un candidat RN, une candidate issue du Modem/Renaissance, et une du Nouveau Front populaire. Personne de Reconquête.
Rachel Knaebel
Photo de une : CC BY-NC-SA 2.0 Marc Lecocq via flcikr.