Lanceurs d’alerte, journalistes, chercheurs, syndicalistes, salariés, citoyens... la directive sur la « protection des secrets d’affaires » menace la démocratie.
En novembre 2014, Antoine Deltour, un employé du cabinet d’audit international PricewaterhouseCoopers, a transmis au journaliste français Edouard Perrin des secrets financiers parmi les plus scandaleux de l’Histoire. En se lançant dans ces révélations, ils ne se doutait pas de ce qui les attendait [1].
Ils ont révélé des montages fiscaux secrets au Luxembourg qui permettent aux multinationales comme Amazon de ne payer presque aucun impôt dans l’Union européenne. Ce sont des milliards d’euros qui s’envolent. Et pourtant, aujourd’hui, ils sont accusés de « violation du secret des affaires » [2].
Pour son courage, Antoine a reçu en 2015 le prix du citoyen européen décerné par le Parlement européen. Mais en avril, quelques jours avant son procès, le Parlement européen votera sur une nouvelle directive qui pourrait réduire au silence les lanceurs d’alerte et journalistes comme eux. La sanction probable : des amendes colossales assorties d’une peine de prison.
Cette bataille ne sera pas facile : les multinationales mènent un lobbying acharné depuis des années pour obtenir cette directive, mais le grand public n’en sait presque rien. Il n’est aujourd’hui plus possible de changer le texte. Nous devons demander aux députés européens de rejeter le texte en bloc.
Le petit nom de ce texte ? « Directive sur la protection du secret des affaires » [3]. Mais la définition du secret des affaires qu’il prévoit est tellement large que presque toutes les informations internes à une société peuvent y correspondre. Cela mettra en danger toute personne qui révèle ces renseignements sans le consentement de l’entreprise [4].
Mais les citoyens, les journalistes ou encore les scientifiques ont parfois besoin d’avoir accès à ces informations et de les publier dans l’intérêt général. Ils risqueraient alors des poursuites judiciaires pouvant se conclure par des peines de prison et des amendes de plusieurs centaines de milliers d’euros. C’est une manière très efficace d’empêcher les gens de dénoncer les mauvaises conduites des entreprises. Quel rédacteur en chef peut se permettre de risquer la banqueroute de son journal ? [5]
Et ce n’est pas tout. Si la directive est approuvée au niveau européen, les États membres pourront encore aller plus loin quand ils l’adapteront à leurs droits nationaux, et on peut compter sur les multinationales pour les pousser en ce sens.
Signez la pétition pour protéger les lanceurs d’alerte.
Plus d’informations sur l’Observatoire des Multinationales : Secret des affaires : les lobbies économiques poussent l’Union européenne à la régression
Photo : CC Yosuke Watanabe / FlickR