« Les députés de la majorité, avec la complicité du gouvernement, viennent de céder au lobbying éhonté de Total. » Sylvain Angerand, porte-parole des Amis de la Terre, ne décolère pas. Ce 14 novembre, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2020, les députés ont voté sans débat un amendement qui reporte à 2026 la suppression de l’huile de palme de la liste des agrocarburants. Défendu par sept députés de la droite et du centre (MoDem, LREM et LR), cet amendement, qui a également reçu un avis favorable du gouvernement, se traduira par un cadeau fiscal à Total évalué entre 70 et 80 millions d’euros.
Pour rappel, en décembre 2018, les députés avaient voté l’exclusion de l’huile de palme de la liste des biocarburants au 1er janvier 2020. Cette exclusion remettait en cause la viabilité économique de la raffinerie de La Mède, dans les Bouches-du-Rhône, dont l’approvisionnement est principalement basé sur l’importation de 550 000 tonnes d’huile de palme [1].
– Lire à ce sujet l’enquête publiée sur notre Observatoire des multinationales : La raffinerie de Total à La Mède convertie à l’huile de palme
La décision d’exclure l’huile de palme avait été contestée par Total mais validée par le Conseil Constitutionnel le 13 octobre 2019. Quelques jours plus tard, le PDG de Total, Patrick Pouyanné, avait indiqué dans le Journal du Dimanche souhaiter que le Parlement français repousse à 2026 sa décision de sortir l’huile de palme de la liste des agrocarburants qui bénéficient d’un avantage fiscal important [2]. La majorité et le gouvernement se sont exécutés.
Une partie des députés à l’initiative de cet amendement sont originaires du département où ce situe la « bio-raffinerie ». L’un d’eux, le député LREM Mohamed Laqhila assume totalement, estimant qu’il s’agit d’être « responsable » et d’accompagner l’industriel Total et ses investissements dans un contexte où l’Europe prévoit une sortie de l’huile de palme en 2030 [3].
Fin août, Elisabeth Borne, ministre de l’Écologie, se félicitait qu’il n’y ait plus d’avantage fiscal en France sur les biocaburants à base d’huile de palme [4]. Avec ce vote, cet avantage fiscal est rétabli pour au moins six ans encore, alors même, rappelle Sylvain Angerand, que « brûler de l’huile de palme pour faire rouler les voitures est un scandale écologique et climatique ». Cet amendement doit désormais être examiné au Sénat.
[Mise à jour le 15 novembre 2019 à 21h40 : Face au tollé général et à l’embarras d’une partie de sa majorité, le Premier ministre a demandé aujourd’hui un second vote. Il vient de se dérouler : les députés ont fait marche arrière en votant finalement l’exclusion de l’huile de palme de la liste des biocarburants dès 2020. Illustration que la vigilance citoyenne n’est jamais vaine. Le gouvernement a néanmoins maintenu son avis favorable à cet amendement lors de ce 2e vote.]
Sophie Chapelle
En photo : une raffinerie d’huile de palme en Malaisie / CC Marufish