Discriminations

Les Roms, des Européens de seconde zone

Discriminations

par Ivan du Roy

Fichés en Italie, expulsés de France, discriminés en Roumanie, les Roms ne sont pas les bienvenus chez eux. L’Union européenne, présidée par la France, se penche sur leur situation le 16 septembre lors d’un sommet. Sans Rama Yade ni Brice Hortefeux.

Un sommet européen sur les Roms se déroulera à Bruxelles, le 16 septembre. C’est la première fois que représentants des institutions, ministres, députés et membres de la société civile se pencheront sur la situation des dix millions de Roms vivant dans l’Union européenne. Une population qui a augmenté depuis l’adhésion des pays d’Europe de l’Est, en particulier la Bulgarie et la Roumanie. Les participants au sommet dresseront un bilan des politiques censées lutter contre les discriminations et les formes d’exclusion dont les Roms sont victimes. Objectif : « Déboucher sur une amélioration durable de la situation des Roms dans tous les domaines. »

24% des Européens « mal à l’aise » avec les Roms

A l’est comme à l’ouest de l’Europe, il ne fait pas bon être Rom. Une étude de la Commission européenne publiée en juillet (eurobaromètre N°296) indique qu’un quart des Européens interrogés se disent mal à l’aise s’ils comptaient des Roms dans leur voisinage. « A titre de comparaison, à peine 6% des interviewés se disent plutôt mal à l’aise vis-à-vis de quelqu’un d’une origine différente en général », note l’étude. Avec respectivement 47% des interviewés « mal à l’aise », cette forme de xénophobie est la plus répandue en République tchèque et en Italie. La proportion descend à 15% pour la France.

Partout, les Roms connaissent un fort taux de chômage lié à des discriminations à l’embauche, ont une espérance de vie inférieure à dix ou quinze aux moyennes nationales souvent due à des conditions de vie insalubres. Entre 2000 et 2006, ce sont 275 millions d’euros de fonds structurels européens qui ont été alloués à des projets visant à lutter contre cet état de fait.

La volonté de la Commission européenne de « sortir la population rom de l’état d’exclusion dans lequel elle est confinée depuis des années » semble cependant aller à l’encontre des politiques nationales de certains Etats. En Italie, plusieurs métropoles - Naples, Rome puis Milan - soutenues par le gouvernement Berlusconi, viennent d’instaurer un « marquage ethnique » des populations vivant dans les bidonvilles, en majorité rom. Ce fichage consiste en un relevé systématique des empreintes digitales, doublé de mentions sur l’ethnie et la religion.

Face au silence pesant du centre-gauche - le gouvernement Romano Prodi avait en son temps pris un décret autorisant l’expulsion des Roms originaires des Balkans - c’est le monde associatif, en particulier catholique, qui est monté au créneau. Pour illustrer la situation, l’hebdomadaire Famiglia Cristiana n’a pas hésité à afficher en une la célèbre photo d’un enfant juif du ghetto de Varsovie levant les mains devant des soldats allemands. Bruxelles n’a pour l’instant rien trouvé à redire à ce fichage, qu’elle juge « limité ».

Où est passée Rama Yade ?

Côté français, on se fait plutôt discret sur la préparation du sommet européen. L’évènement n’est même pas annoncé sur le site officiel de la présidence française. Du côté du gouvernement, Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, a prévu de s’y rendre, ainsi que Bernard Kouchner. La rencontre ne figure pas, pour l’instant, dans l’agenda de Brice Hortefeux, ministre de l’immigration et de... l’intégration, ni - encore plus surprenant - dans celui de Rama Yade, pourtant secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme. En un an, 6.600 ressortissants Roumains et Bulgares en majorité Roms, et bien citoyens de l’Union européenne, ont été expulsés de France. La Ligue des droits de l’Homme critique l’expulsion arbitraire de nombreux enfants et mineurs, dont la moitié « n’ont pas fait l’objet d’une enquête sociale préalable au pays ».

Les Roms, accusés à demi-mots de couvrir la France de bidonvilles, sont de plus en plus pointés du doigt. Début septembre, l’un des plus grands bidonvilles de France, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), a été rasé. Sur les 600 personnes qui y vivaient, seule une centaine fait l’objet de mesures de relogement et d’accompagnement. Les autres sont partis grossir les bidonvilles voisins ou ont accepté l’aide financière au retour proposée l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (Anaem).

Reconnaissance du peuple rom

« La différence entre la France et l’Italie, c’est que la France fait les choses en douce », accuse Saimir Mile, porte-parole de l’association La Voix des Roms. Les relevés d’identité et les constitutions de dossiers auxquels procèdent policiers et agents de l’Anaem sont perçus comme une survivance du carnet anthropomorphique instauré en 1912. Pour Saimir Mile, c’est désormais à l’Ouest que les discriminations à l’égard des Roms se posent de plus en plus crûment. Il attend du sommet européen « qu’il s’engage sur la voie de la reconnaissance du peuple rom comme une composante de la société européenne. » « On ne nous considère pas comme une entité linguistique et culturelle. Cela nous fait craindre un traitement partiel de la question, uniquement en terme de logement social et d’insertion. » Au sommet, les associations roms présenteront un très détaillé « statut cadre du peulpe rrom en Union européenne ».

Ivan du Roy