À partir de ce 22 janvier, grands patrons de multinationales et dirigeants politiques du monde entier se retrouvent à Davos, en Suisse, pour le Forum économique mondial. Lundi, Macron recevait plus de cent responsables de grandes entreprises à Versailles, dont ceux de ArcelorMittal, Coca Cola, Engie ou Google… Un rapport que l’organisation Attac vient de publier avec l’Observatoire des multinationales, montre, en chiffres, que les patrons de multinationales ne sont pas les meilleurs interlocuteurs, loin de là, au moment où la France se trouve en pleine crise sociale.
À tous les niveaux, les multinationales profitent de largesses auxquelles les simples citoyens n’ont pas droit. Sur les impôts, par exemple : ceux versés par les entreprises du CAC 40 ont baissé de plus de 6 % en valeur absolue entre 2010 et 2017, alors que leurs bénéfices cumulés ont augmenté de plus de 9 % et que les dividendes versés aux actionnaires ont bondi de 44 % sur la même période. Le taux d’imposition effectif brut des grandes entreprises françaises était en 2014 de 26 %, contre 32 % pour les PME. « Cette inégalité est possible grâce à des techniques de plus en plus complexes qui utilisent notamment la concurrence fiscale entre États », explique le rapport. Les multinationales abritent leurs différents revenus là où leur taxation est la plus basse, y compris dans des paradis fiscaux. En 2017, c’est, parmi les multinationales françaises, le groupe Unibail-Rodamco, spécialisé dans les centres commerciaux, qui a bénéficié du taux d’imposition le plus bas : seulement 2,7 %, alors que la société dégage un bénéfice de 1,2 milliard d’euros.
L’injustice est aussi criante entre salariés et actionnaires des entreprises du CAC 40. Car loin d’aller mal, les grandes entreprises françaises dégagent en fait des profits records, estimés à 90 milliards d’euros en 2017 (le deuxième meilleur exercice depuis le record atteint en 2007, juste avant la crise financière de 2008). Seules deux entreprises du CAC 40 ont fini dans le rouge : Carrefour et LafargeHolcim. Cela ne les a pas empêché de verser des dividendes à leurs actionnaires. Ce sont en fait plus de 60 % des profits des entreprises du CAC 40 qui sont versés aux actionnaires sous forme de dividendes ou de rachats d’action. Ces dividendes nuisent à l’investissement : celui des entreprises du CAC 40 (hors banques et assurances) a atteint son niveau le plus bas depuis une décennie.
Les PDG du CAC 40 gagnent 257 fois le SMIC par an
Entre 2010 à 2017, les dividendes des sociétés du CAC 40 ont augmenté de 44 %, les rémunérations des hauts-dirigeants de 32 %, tandis que les salaires moyens n’ont augmenté que de 22 %. Le nombre des salariés de ces entreprises dans le monde n’a augmenté que d’à peine 2,5 % … En France, ces entreprises ont supprimé depuis 2010 un cinquième de leurs emplois. « C’est donc le tissu industriel français tout entier qui est la première victime de la logique de financiarisation du CAC 40 », estime le rapport.
Les écarts de rémunération entre dirigeants et simples salariés se creusent. Le salaire moyen d’un patron du CAC 40 était de 4,68 millions d’euros sur un an en 2017. Les rémunérations avoisinent même 10 millions d’euros pour les patrons de Sanofi et L’Oréal. En moyenne, les PDG du CAC 40 gagnent 257 fois le SMIC par an et 119 fois plus que la moyenne de la rémunération de leurs salariés. Il faut par exemple 251 ans pour qu’un employé de Carrefour gagne autant que ce que son PDG touche en un an…
Injustice, toujours, au niveau de la taxation écologique. « Les entreprises les plus polluantes sont largement exonérées de taxe carbone », résument les auteurs du rapport. Comment ? « Les entreprises polluantes et soumises au marché carbone européen profitent d’un prix de la tonne carbone bien plus faible et de facilités auxquels les ménages, artisans et petites entreprises n’ont pas accès. » Elles polluent plus, mais ne paient pas.
« La révolte sociale qui secoue la France depuis fin 2018 a pour revendications principales la défense du pouvoir d’achat, la justice fiscale, sociale et climatique. Autant d’exigences légitimes auxquelles les grandes entreprises du CAC 40 tournent le dos », conclut le rapport. Pour répondre à ces revendications, l’association Attac met en avant trois mesures possibles : plafonner les écarts de rémunération au sein d’une même entreprise, par exemple de 1 à 10, y compris pour les plus hauts dirigeants ; remplacer le marché carbone européen par une fiscalité carbone réellement dissuasive sur les sites industriels polluants et par des régulations publiques qui conduisent les entreprises à arrêter d’investir dans les énergies fossiles ; et taxer les bénéfices des multinationales françaises selon les règles de la législation française, pour qu’elles arrêtent d’échapper à l’impôt en passant par les paradis fiscaux. De quoi alimenter le grand débat !
– Lire le rapport d’Attac en partenariat avec l’Observatoire des multinationales : Les grandes entreprises françaises, un impact désastreux pour la société et la planète
– Lire aussi le « Véritable bilan annuel des grandes entreprise françaises » (juin 2018)