Les effectifs du ministère de la Transition écologique et solidaire vont baisser bien plus vite que les émissions de gaz à effet de serre françaises. 5 % des effectifs seront supprimés d’ici la fin du quinquennat, soit près de 5000 postes. Prévisions météorologiques, protection des parcs nationaux, inspecteurs de l’environnement... De nombreux services sont touchés. C’est ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2020 qui doit être présenté ce vendredi 27 septembre en Conseil des ministres [1]. Le ministère de l’Écologie est, avec celui de la Santé, celui qui connait la plus forte baisse (en équivalents temps plein). « Ce qui compte ce n’est pas tant le niveau d’emploi que le budget, et celui-ci augmente de 600 millions d’euros l’an prochain », tente de justifier Bercy.
« Aujourd’hui on a les moyens de rien »
Ce n’est pas l’avis des agents qui multiplient depuis des semaines les actions pour dénoncer ces coupes drastiques, depuis le quartier de la Défense à Paris jusque dans le parc national des Cévennes, ou lors du Tour de France. Autour du slogan « Make our ministère Great Again », ils expliquent ne plus vouloir « être les garants d’une politique de l’environnement au rabais ». Comment veiller sur les milieux naturels, contrôler les impacts des activités humaines sur la biodiversité, avec de moins en moins de personnel ?
« Il y a un grand écart entre les effets d’annonce du gouvernement en matière de protection de l’environnement, et la réalité de la mise en œuvre des missions sur le terrain, déplore Rémy Arsento du Syndicat national de l’environnement-FSU (SNE-FSU). Aujourd’hui on a les moyens de rien. Le ministère de la Transition écologique et solidaire a déjà subi en pourcentage la plus grosse perte d’effectifs et de restrictions budgétaires sur la dernière année. » La précédente loi de finances avait ainsi acté la suppression de 1078 postes en 2019. Selon les données compilées par Le Monde, le ministère de l’Écologie a perdu 7248 équivalent temps plein (ETP) entre 2017 et 2019, soit 12,2 % de ses effectifs.
Faire « mieux avec moins »
« Il n’y a pas de politique publique de l’écologie sans service public de l’environnement et des agents pour mettre en œuvre, impulser et contrôler », soulignent la CGT, la CFDT, FO et la FSU dans un communiqué commun. Le ministère travaille avec des opérateurs comme les agences de l’eau ou l’Ademe qui sont eux aussi touchés par des baisses d’effectifs [2]. Météo France, qui joue un rôle essentiel face à la multiplication des événements climatiques extrêmes, voit également ses effectifs baisser (94 équivalent temps plein supprimés). 55 de ses agences ont été fermées entre 2012 et 2016. Le programme « Action publique 2022 », dont les syndicats réclament l’abandon, prévoit encore la diminution de 40 % des effectifs de Météo France [3] !
– Lire à ce sujet : Prévoir la météo et les évènements climatiques : un métier rendu difficile par l’austérité
Le même sort est réservé aux parcs nationaux qui, en dépit de leur rôle majeur dans la préservation de la biodiversité, auraient perdu 20 % de personnels en 10 ans (voir la pétition : « Les glaciers fondent, les effectifs des parcs nationaux aussi »). « Les réorganisations successives des services, sous prétexte de faire "mieux avec moins", n’ont d’effets que de saper les valeurs et le moral des agents, mais aussi d’amener une certaine souffrance dans l’exercice de nos métiers » soulignent les représentants des personnels des dix parcs nationaux dans une motion commune. S’ils saluent la création d’un onzième parc national, celui de Champagne-Bourgogne, ils regrettent que celui-ci se fasse à « moyens constants », c’est à dire sans augmentation de personnel.
« L’aménagement incontrôlé de nos territoires, le braconnage et autres trafics d’espèces ont de beaux jours devant eux »
En réponse, le ministère a acté la création, le 1er janvier 2020, de l’Office français de la biodiversité , issu de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). « Cette fusion, on l’appelait de nos vœux, souligne Rémy Arsento. On était favorables à l’idée de se pourvoir d’un outil efficace pour la mise en œuvre de la politique publique de l’environnement. Le problème, c’est que ce nouvel établissement public n’affiche à ce jour que des baisses d’effectifs et de moyens par rapport à l’existant, alors que dans le même temps les missions vont se multiplier. » Sur 2700 agents, il est prévu la suppression de 127 postes sur trois ans, soit 5 % des effectifs initiaux.
Les inspecteurs de l’environnement, aussi bien chargés de protéger les rivières et la biodiversité, que de verbaliser les pollueurs (notre précédent article) pourraient ainsi voir leur situation se dégrader. Comme le souligne un rapport du Sénat publié fin 2018, « les effectifs de plusieurs services départementaux de l’ONCFS et de l’AFB, dont l’activité de police est souvent une des missions principales, sont inférieurs au plancher ». En fonction des territoires à couvrir, la protection environnementale nécessite des équipes minimales de cinq ou dix agents « pour permettre le maintien d’une pression de contrôle suffisante dans les territoires ». Or, ces effectifs minimaux ne sont même pas respectés. « La chasse, l’agriculture intensive, l’aménagement incontrôlé de nos territoires, le braconnage et autres trafics d’espèces ont de beaux jours devant eux », craignent les agents.
Photo : Le personnel du parc national des Cévennes, le 25 juin dernier, organise un die-in – forme de protestation dans laquelle les participants s’allongent sur le sol, simulant la mort – face aux nouvelles annonces de réduction des effectifs des parcs nationaux. © Laurence Dayet