Onze vaccins, au lieu de trois actuellement, seront obligatoires pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2018. La mesure proposée par la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a été votée le 28 octobre à l’Assemblée nationale et le 17 novembre au Sénat. Cette nouvelle obligation a été décidée malgré la controverse qui entoure les sels d’aluminium qui servent d’adjuvant à ces vaccins. Les demandes sur ce sujet, durant la concertation citoyenne menée un an plus tôt, ont été ignorées. Une étude scientifique, lancée en 2014, devait approfondir la recherche d’un lien éventuel entre une lédion, la myofasciite à macrophages, et les adjuvants aluminés. Mais l’étude risque de ne pas être poursuivie après la présentation début octobre des premiers résultats, faute de financement. Pourquoi les adjuvants à l’aluminium sont-il utilisés dans les vaccins, et quel est l’état des recherches sur leurs éventuels effets secondaires ?
A quoi servent les adjuvants ?
Les adjuvants renforceraient l’efficacité du vaccin. De nombreux discours assurent qu’ils « boostent la réponse immunitaire ». « Pour la majorité des vaccins inactivés (ne comportant pas de microbe vivant), la présence des adjuvants est indispensable pour permettre une réponse immunitaire entraînant une protection », explique ainsi le site gouvernemental Vaccination info service.
Reste qu’aucune étude publiée n’en a établi la preuve biologique, pas plus que celle du mécanisme à l’œuvre, censé rendre le vaccin plus efficace. Le vaccin DTP (Diphtérie, tétanos, poliomyélite) ne comportait pas d’adjuvants jusqu’à sa disparition du marché français en 2008. Le DTP a ensuite été associé au vaccin contre la coqueluche et à celui contre la méningite (l’Haemophilius influenzae b). Puis, en 2015, à celui de l’hépatite B. Tous ces nouveaux vaccins contiennent des adjuvants. Les parents faisant vacciner leurs enfants n’avaient donc d’autres choix que de les accepter.
Le seul argument étayé en faveur des adjuvants est inscrit dans un document de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de 2009 : « L’utilisation d’un adjuvant permet de réduire la quantité d’antigène par dose de vaccin tout en conservant une réponse vaccinale optimale et ainsi de produire davantage de doses dans un rapport qui peut aller de 1 à 2 à 1 à 4 pour une même quantité globale d’antigène disponibles. »
En clair : l’ajout d’adjuvants permet de réaliser des économies substantielles au regard des milliers de doses de vaccin produites chaque année. Les adjuvants sont donc d’abord utiles économiquement aux laboratoires qui commercialisent les vaccins. Leur efficacité biologique et immunitaire au bénéfice du vacciné reste à prouver.
Depuis quand sont utilisés les adjuvants à l’aluminium ?
En 1920, un vétérinaire de l’Institut Pasteur, Gaston Ramon, constate que les chevaux sont mieux immunisés lorsqu’ils développent une inflammation, ou un abcès, au point d’injection du vaccin anti-diphtérie qu’il leur administre. Le vétérinaire expérimente alors toutes sortes de matériaux à fin d’adjuvant pour provoquer la réaction inflammatoire censée améliorer l’efficacité du vaccin : tapioca, pus, sels métalliques. En 1926 un immunologiste anglais, Alexandre Glenny, conclut que les sels d’aluminium ont de bonnes propriétés adjuvantes.
Quelles sont les évaluations des effets secondaires ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les adjuvants à l’aluminium, en tant que tels, n’ont jamais fait l’objet d’évaluation clinique de sécurité. La théorie enseignée est que l’antigène – la base du vaccin, le fragment du microbe qui va provoquer la réponse immunitaire de l’organisme – adsorbé sur l’adjuvant se libère plus lentement, entrainant une réponse plus longue et plus efficace, l’inflammation l’amplifiant. Quand il y a demande d’autorisation de mise sur le marché d’un nouveau vaccin, les études cliniques se font avec d’un côté, les vaccinés avec l’antigène et l’adjuvant, et de l’autre, ceux qui reçoivent uniquement une injection d’adjuvants, servant de placebo…
Autrement dit, aucun groupe-contrôle ne permet de pointer d’éventuelles différences avec ou sans adjuvants. Seul fait donc foi l’ancienneté de l’usage : « Les sels d’aluminium sont de longue date les principaux adjuvants utilisés dans les vaccins en général. Le recul de la pharmacovigilance est très important », explique ainsi l’Agence nationale de sécurité du médicament, sans davantage de référence.
Quand les premiers problèmes avec les adjuvants alu sont-ils signalés ?
Les sels d’aluminium ont « fait la preuve depuis 90 ans de leur innocuité », assure le ministère de la Santé, toujours via son site Vaccination info service. L’affirmation est un peu rapide quand on regarde de près l’historique des alertes à ce sujet.
Les premiers centres de pharmacovigilance, chargés d’enregistrer d’éventuels effets secondaires liés aux médicaments et aux vaccins, ouvrent en 1979 [1]. La déclaration des effets indésirables par les fabricants de médicaments et professionnels date de 1984 [2]. Et c’est seulement depuis 2012 que les patients peuvent eux-mêmes rapporter les effets indésirables, l’Agence européenne des médicaments ayant mis à jour et à l’échelle européenne les bonnes pratiques de la pharmacovigilance. Remonter à « 90 ans » pour affirmer une innocuité est donc exagéré.
D’autant que c’est de Suède, en 1972, où s’installe le premier centre de pharmacovigilance, que viendra l’une des premières études à grande échelle. Celle-ci alerte sur la recrudescence d’asthmes allergiques infantiles après administration de vaccins adjuvantés alu. En France, alerté par d’autres publications et leurs propres informations, l’Institut Pasteur s’en inquiète. L’un de ses chercheurs, Edgar Relyveld met au point un nouvel adjuvant, le phosphate de calcium, neutre pour l’organisme qui en contient naturellement [3]. Mais en 1987, lors du rachat par l’entreprise Mérieux (futur Sanofi) de la branche vaccin de l’Institut Pasteur, le laboratoire préfère, dans ses chaînes de fabrication, recourir à l’hydroxyde d’aluminium plutôt qu’au phosphate de calcium. La raison ? Une différence de 30 centimes de francs par dose de vaccin produite.
« Les publications portant sur les effets toxiques ou indésirables de l’aluminium et de l’hydroxyde sont de plus en plus nombreuses d’année en année », écrit alors Louis Léry, chef du centre des vaccinations internationales de l’Institut Pasteur, s’adressant au ministère des Affaires sociales pour tenter d’éviter le remplacement dans les vaccins du phosphate de calcium par l’hydroxyde d’aluminium. Il ajoute : « Depuis longtemps, il était connu la capacité de l’hydroxyde d’alumine d’augmenter [les marqueurs d’une réaction allergique de l’organisme] ». Qu’importe, l’alerte de 1987 ne sera pas entendue.
La myofasciite à macrophages, qu’est-ce que c’est ?
Au début des années 1990, des patients adressés aux centres de pathologies neuromusculaires souffrent d’un syndrome s’apparentant au « syndrome d’épuisement chronique », ou encéphalomyélite myalgique, une inflammation du cerveau et de la moelle épinière de cause inconnue, associant douleurs musculaires, articulaires, épuisement chronique et troubles de la mémoire, de l’attention et du sommeil. Et tous présentent un nouveau type de lésions, vues à la biopsie du deltoïde, ce muscle où sont pratiquées les injections vaccinales. On constate que ces lésions sont des amas de macrophages, ces cellules qui font office d’éboueurs du système immunitaires en « nettoyant » les débris cellulaires, qui se sont agglomérés entre les fibres du deltoïde.
En 1998, au cours de la première enquête épidémiologique, associant l’Institut de veille sanitaire et le Groupe de recherche sur « les maladies musculaires acquises et dysimmunitaires », on découvre que ces macrophages sont gorgés de cristaux d’aluminium, que ces cellules immunitaires sont incapables de digérer.
Cette lésion est dès lors nommée Myofasciite à macrophages par l’un des chercheurs, le professeur Romain Gherardi, alors chef du centre expert en pathologie neuromusculaire de l’hôpital Henri Mondor (Créteil). Est-ce une simple signature post-vaccinale laissée par l’adjuvant, ou cette lésion est-elle, comme le soutient alors l’équipe de chercheurs, « le biomarqueur d’une difficulté à éliminer l’adjuvant » ? En clair, les adjuvants à l’aluminium pourraient induire cette affection chez certains patients, à la source d’autres syndromes, comme celui d’épuisement chronique.
Comment réagissent les autorités sanitaires ?
Lorsque les résultats de cette enquête épidémiologique sont présentés à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Comité consultatif mondial de la sécurité vaccinale convient de la corrélation entre la myofasciite à macrophages (MFM) et les injections de vaccins avec adjuvants alu : « On a des raisons de penser que la lésion locale qui caractérise la MFM pourrait être due à l’injection intramusculaire de vaccins contenant de l’aluminium. » Et de conclure que « les données actuelles n’établissent, ni n’excluent la possibilité d’une maladie générale affectant d’autres organes », que devraient renseigner de futures études épidémiologiques. Le Comité recommande donc « d’entreprendre des recherches sur une association éventuelle avec une maladie auto-immune » [4], indiquant qu’il « existe de nombreux mécanismes qui pourraient être à l’origine du passage d’une réaction immunitaire locale à une affection généralisée ».
Mais un an plus tard, dès 2001, toutes les portes des financements promis se ferment. S’engage alors pour les chercheurs un long parcours d’obstacles. En 2014, l’Agence nationale du médicament accorde finalement un premier financement à l’équipe de Romain Gherardi pour une nouvelle étude. « Il ne s’agit pas d’incriminer la vaccination, mais au contraire d’éventuellement la sécuriser pour la santé publique, explique le chercheur. L’extension du nombre de vaccins, conjuguée au nombre de personnes vaccinées conduira mécaniquement à plus de personnes souffrant – en raison de cette difficulté à éliminer l’adjuvant –, de syndromes de type SFC/encéphalomyélite myalgique », prévient-il. Donc mieux vaut le savoir avant de généraliser les onze vaccins obligatoires.
Malgré des résultats qualifiés de « prometteurs » par des membres du Conseil scientifique, l’Agence du médicament renonce finalement à financer la poursuite de l’étude. Son directeur, Dominique Martin, « appelle la puissance publique à prendre ses responsabilités en la matière, l’agence n’étant pas ne mesure de financer l’ensemble de ces projets ». A l’automne 2017, il manque plus d’un demi-million d’euros.
Que montre l’étude interrompue faute de financements ?
Les premiers résultats montrent que, à partir d’une injection, « les particules d’aluminium de la taille d’une bactérie, se distribuent dans l’organisme, à partir du site d’injection suivant un schéma qui va de la rate au système lymphatique pour ensuite atteindre le cerveau », détaille Romain Gherardi. L’incapacité des macrophages à digérer l’intrus conduit à une « sur-sollicitation » du système immunitaire qui, débordé, s’emballe en une inflammation permanente.
Plus les particules d’aluminium sont petites, plus elles rejoignent le cerveau. Les souris ayant reçu les injections avec des nanoparticules d’aluminium montraient les dommages neurotoxiques et les taux d’aluminium dans le cerveau les plus élevés. L’autre volet de cette étude portait sur la difficulté à éliminer l’adjuvant en fonction de spécificités génétiques. 1 à 3% de la population vaccinée développeraient des pathologies post-vaccinales, car incapables d’éliminer la toxicité de l’aluminium injecté [5].
L’aluminium qui pénètre dans l’organisme vient-il des adjuvants vaccinaux ou d’ailleurs ?
L’un des contre-arguments est de dire que nous ingérons quotidiennement de l’aluminium en bien plus grande quantité que celle des vaccins – via l’alimentation, les boissons... – et qu’il est éliminé [6]. Entre ingérer l’aluminium ou se le faire injecter, « les situations sont radicalement différentes, impossibles à comparer », rétorque Romain Gherardi. « L’aluminium ingéré par voie orale est évacué par les selles à 99,7% et les 0,3% qui traversent la paroi intestinale sont des atomes d’aluminium rapidement éliminés par les urines », précise le chercheur.
« En revanche quand on injecte les particules de l’adjuvant hydroxyde d’aluminium, 100% de la dose d’aluminium pénètre dans l’organisme et celui-ci a toutes les peines du monde à s’en débarrasser car ce sont des cristaux quasi-insolubles : 5 à 6% de l’aluminium sont éliminés dans les urines dans les premiers jours et, ensuite, presque rien. » C’est ce qui a été démontré une seconde fois lors de l’étude soumise au comité scientifique de l’Agence nationale du médicament en utilisant un traceur conforme aux exigences scientifiques.
Peut-on remplacer les sels d’aluminium dans les vaccins ?
Remplacer les sels d’aluminium par un adjuvant quasi-naturel tel que le phosphate de calcium est tout à fait possible, comme l’a démontré l’Institut Pasteur dans les années 80. C’est d’ailleurs ce que réclament des associations de patients. Encore faut-il que les pouvoirs publics le demandent à l’industrie des vaccins. Les « autorités sanitaires ne nous le demandent pas, pourquoi nous le ferions ? », ont d’ailleurs insisté les entreprises du médicament (LEEM), lors de la concertation citoyenne menée en 2016 (lire notre article). La demande citoyenne de réintroduire des vaccins sans aluminium ou de créer une commission d’enquête parlementaire sur les adjuvants et leurs effets avait alors été totalement ignorée par les experts. Mi-novembre, un collectif de plusieurs milliers de personnes a d’ailleurs, via leur avocate Jacqueline Bergel, déposé une requête auprès du Conseil d’État pour demander l’interdiction des sels d’aluminium dans les vaccins obligatoires à partir du 1er janvier. Bref, les inquiétudes et controverses ne sont pas prêtes de s’arrêter.
Anne-Corinne Zimmer
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Pour en savoir plus :
– L’association E3M, qui rassemble des personnes atteintes de myofasciite à macrophages, travaille sur cette question de l’aluminium vaccinal : son site Internet.