Solutions climat

Le salon du greenwashing perturbé, le ministre Stéphane Le Foll chahuté

Solutions climat

par Myriam Thiebaut, Sophie Chapelle

Ce 4 décembre, le Grand Palais ouvre ses portes pour une exposition bien particulière : les multinationales y présentent leurs innovations face au changement climatique. Jusqu’à 250 000 euros peuvent être déboursés par chaque entreprise pour montrer que le secteur privé se joint à la lutte contre les dérèglements climatiques [1]. A la découverte des stands la déception pointe : peu de véritables innovations mais beaucoup de greenwashing, comme nous l’expliquions déjà dans cette enquête.

Engie (ex GDG Suez) évoque la transition énergétique sans expliquer comment elle fermera ses très polluantes centrales au charbon. Le géant des agrocarburants Sofiprotéol-Avril recouvre une voiture de jolies fleurs, preuve de sa « positive attitude ». « Savez-vous que vous avez des fleurs dans votre réservoir ? », affiche son stand... Mais manger ou conduire, il faut pourtant choisir : aucune référence sur la manière dont le biodiesel entre en concurrence avec la production alimentaire. A quelques mètres de là, la marque de lessive Le Chat jouxte le stand de Coca-Cola : ici, l’on parle recyclage et réduction d’empreinte carbone des produits...

Des activistes sont venus perturber ces belles présentations. Vers 13h30, un signal est lancé en plein cœur du hall d’exposition. Un « lobby tour » démarre à l’initiative de plusieurs ONG visant à dénoncer « les fausses solutions ». « Suez présente la fracturation hydraulique [utilisée pour les gaz de schiste, ndlr] comme une solution pour l’avenir, crie une jeune femme. Je viens du Dakota du Nord (États-Unis) où ils recourent à cette technique en plein cœur de nos communautés durement affectées ». Au même moment, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll fait son entrée pour visiter l’exposition. Alors qu’il s’exprime devant plusieurs médias, des militants entonnent : « Si tu aimes le greenwashing, tapes dans tes mains ». Retour en vidéo sur cette contre-visite peu appréciée par le ministre.

Bastamag

Expulsion des militants et des journalistes

L’action se voulait résolument non violente et avait été annoncée publiquement par les ONG, avant l’exposition ouverte au grand public. Résultat : un contrôle au faciès s’est mis en place. De nombreuses personnes ont été arbitrairement interdites à l’entrée. « Je n’ai jamais vu un tel contrôle au faciès, témoigne Lucie*. Les vigiles nous regardaient et disaient "toi tu passes, toi tu passes pas" ». « Ils nous ont tous filmés dans la file d’attente alors que nous attendions pour rentrer dans le Grand Palais », appuie Annie, 65 ans, qui s’est vue finalement refuser l’entrée, sans explication. Si l’action a pu se tenir, elle a rapidement été stoppée par les forces de l’ordre venues en nombre pour encercler les participants, avant de procéder manu militari à leur évacuation.

Les journalistes ont également fait les frais de cette réaction musclée. Le photographe Pierre Morel, accrédité pour l’événement, relate sur sa page facebook : « Un policier en civil qui encerclait des militants et des journalistes m’a asséné un violent coup de coude à mon appareil photo qui a ensuite heurté mon visage et ouvert une plaie au dessus de l’arcade. Je ne sais pas si son geste était volontaire ou non, mais la conséquence est là ». Il s’en sortira avec quelques points de souture aux urgences. La presse internationale à l’image de New Internationalist s’indigne de la répression de toute liberté d’expression à Paris. A l’image de ce preneur de son de France 3, expulsé par la police.

La mobilisation se poursuit

L’action conduit à la fermeture temporaire du Grand Palais au public. C’est à l’extérieur que se termine ce lobby tour. « Solutions COP21 est basé sur un seul principe : money talks (« L’argent parle ») », dénonce Pascoe Sabido de Corporate Europe Observatory [2]. « Plus vous avez d’argent, plus vous pouvez vous acheter les moyens d’être vu et entendu par nos dirigeants politiques. Dans le même temps, la société civile est à peine écoutée, ce qui souligne la nature antidémocratique de ce genre de foire du lobbying. »

Une grande banderole dénonçant « les fausses solutions » est déployée par plusieurs militants, sous l’œil des forces de l’ordre. « Nous reviendrons demain, après demain, nous n’avons pas peur de l’état d’urgence, lance Audrey Arjoune de Peuples Solidaires - ActionAid France. L’état d’urgence est d’abord climatique. L’argent investi par ces entreprises pour avoir leur stand devrait d’abord aller vers les énergies renouvelables, l’agro-écologie et les techniques appartenant aux communautés locales et qui sont les vraies solutions que nous portons aujourd’hui. Si les négociations n’avancent pas, c’est notamment à cause des sponsors privés, présents à l’intérieur. Il est essentiel qu’une voie alternative existe. »

Texte et photos : Sophie Chapelle
Vidéo : © Myriam Thiébaut

* Le prénom a été modifié