Donald Trump a largement axé sa campagne électorale victorieuse sur un discours de rejet des élites de Washington et de Wall Street. Une stratégie gagnante qui lui a permis d’attirer une grande partie des classes populaires blanches, au détriment des Démocrates. Mais ceux qui ont pris au sérieux sa rhétorique anti-libérale, et sa dénonciation du libre-échange, des délocalisations et des excès de la finance, risquent fort de déchanter. Donald Trump se prépare en effet à nommer une équipe qui accordera une large place aux intérêts économiques. Avec notamment un ancien dirigeant de Goldman Sachs au Trésor et le patron d’une firme pétrolière au secrétariat à l’Énergie.
Une partie des postes ministériels de la future administration Trump sera sans doute réservée aux membres du parti républicain qui se sont rangés derrière lui – comme l’ancien maire de New York Rudy Giuliani ou l’ex-gouverneur du New Jersey Chris Christie. Pour étoffer cette équipe, la consigne est de trouver des personnalités du monde de l’entreprise. Parmi les potentiels candidats : Steven Mnuchin, ancien de Goldman Sachs, patron de la firme d’investissement Dune Capital Management et principal conseiller économique de Trump, est favori pour la position de secrétaire au Trésor. Deux patrons de firmes pétrolières pourraient être nommés à l’Intérieur et à l’Énergie (Forrest Lucas de Lucas Oil et Harold Hamm de Continental Resources respectivement).
Un climato-sceptique à l’Agence fédérale de l’environnement ?
Selon le site Politico, d’autres hommes d’affaires ou ancien dirigeants d’entreprises pourraient hériter des secrétariats d’État au Commerce et au Travail. Sans oublier le poste de secrétaire à l’Agriculture, où plusieurs représentants du secteur de l’agrobusiness sont pressentis. La direction de l’Agence fédérale de l’environnement pourrait, elle, se voir confier à Myron Ebell, dirigeant de lobbys climato-sceptiques.
Durant la campagne électorale, une bonne partie des milieux d’affaires américains s’étaient tenus publiquement à l’écart de Trump, en raison à la fois de ses positions sur le libre-échange et de la révulsion d’une bonne partie de l’opinion publique pour ses discours racistes, sexistes et homophobes. Comme nous l’expliquions dans notre enquête sur les financements des entreprises françaises dans la campagne électorale américaine 2016, cela ne les a pas empêchés de continuer à financer massivement les Républicains, soit directement, soit par le biais de divers associations professionnelles et lobbys.
Certains secteurs comme celui des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) menacé par les régulations climatiques, de la restauration rapide inquiète des campagnes pour une hausse du salaire minimal, de l’élevage industriel, ou encore des casinos et de l’immobilier, ont soutenu massivement la campagne de Trump. Celui-ci a pu compter sur le soutien de plusieurs milliardaires, ayant fait fortune dans les casinos, le pétrole ou la finance.
Les évadés fiscaux réhabilités ?
Avant même sa victoire, Donald Trump a assemblé une équipe de lobbyistes chevronnés liés à Disney, Koch industries et Goldman Sachs – là encore en contradiction avec la posture qu’il a adoptée durant la campagne – pour préparer son arrivée à la Maison blanche. Selon The Intercept, des réunions ont été organisées avec des représentants de plusieurs secteurs économiques, dont ceux de la finance et de la technologie.
Wall Street et la Silicon Valley, qui ont plutôt misé sur Hillary Clinton, ont-ils du souci à se faire ? Pas forcément, car le candidat Trump, s’il a beaucoup vitupéré contre les rémunérations des traders, a aussi promis de revenir sur la loi Dodd-Frank, adoptée en 2010 pour réguler un peu plus le secteur financier suite à la crise des subprimes. Quant à Apple, Google ou Facebook, ils pourront au moins se consoler avec la promesse du candidat Trump de faciliter le retour aux États-Unis des centaines de milliards de cash qu’ils ont accumulés dans des paradis fiscaux, en réduisant les taxes très élevées que les géants du Net auraient dû payer.
Les marchés financiers rassurés
La nervosité des marchés financiers mondiaux affichés à l’annonce des résultats s’est rapidement apaisée. Le CAC 40 a même fini en hausse de 1,5%, tout comme les autres indices européens et le Dow Jones. De nombreux secteurs économiques, perçus comme les bénéficiaires d’une présidence Trump, ont même connu des hausses spectaculaires. C’est le cas du BTP et du transport en raison du plan d’investissement dans les infrastructures annoncé par Trump après son élection. C’est le cas également des industries minières en raison des promesses de remise en cause des normes environnementales et des besoins pour la construction. Ou encore du pétrole et de l’énergie rassurés par la remise en cause des politiques climatiques nationale et internationale.
Peabody Energy, la principale entreprise charbonnière américaine, a ainsi vu sa valeur boursière bondir de près de 50% en une journée. D’autres industries, comme celles des prisons privées ou des marchands d’armes, pourraient être parmi les principaux bénéficiaires du nouveau monde « trumpien ». Le secteur pharmaceutique sort lui aussi du lot, car il échappe aux mesures de contrôle du prix des médicaments promises par Hillary Clinton. Les principales hausses de la place de Paris ce mercredi 9 novembre – la parapétrolière Vallourec, Alstom, ArcelorMittal, Dassault, Sanofi… – reflètent ces tendances. Le secteur des énergies renouvelables, en revanche, faisait plutôt grise mine.
Olivier Petitjean
Photo : CC Gage Skidmore