Que s’est-il passé le 22 mai sur la Zad de Notre-dame-des-Landes avant que Maxime, 21 ans, ne perde sa main, arrachée par l’explosion d’une grenade « GLI-F4 » à triple effet (lacrymogène, assourdissante, et explosive) ? Dans un communiqué publié le jour même, le ministère de l’Intérieur affirme qu’« une cinquantaine d’opposants radicaux cagoulés se sont attaqués aux forces de l’ordre (présentes pour « sécuriser » les travaux de déblaiement des habitations détruites, ndlr) en leur jetant notamment des cocktails molotov et des projectiles ». Les gendarmes mobiles auraient alors répliqué en lançant des grenades. « Selon les premiers éléments de l’enquête, affirme le communiqué, un des opposants aurait tenté de ramasser une grenade tombée au sol en vue de la relancer sur les gendarmes ». De nombreux médias reprennent le communiqué ministériel, évoquant même une simple grenade lacrymogène.
Les gendarmes pris à partie ?
Les zadistes réfutent la version du ministère, expliquant qu’il est impossible que le jeune homme ait tenté de relancer volontairement la grenade (Voir ici) : celui-ci était en train de fuir sous les tirs des gendarmes au moment où la grenade a explosé. Le lendemain, mercredi 23 mai, le procureur général de la cour d’appel de Rennes confirme la version des gendarmes. S’appuyant sur l’examen du jeune homme par un médecin légiste, le procureur affirme dans un communiqué que « la nature et la localisation des lésions confortent les constatations faites par les gendarmes sur les circonstances dans lesquelles l’individu a été blessé. Elles semblent, en revanche, être incompatibles avec l’hypothèse avancée par certains selon laquelle il aurait été blessé alors qu’il tentait de fuir ».
« Il nous apparaît aujourd’hui que la version gouvernementale selon laquelle les gendarmes auraient lancé des grenades pour se dégager en urgence d’un groupe d’une cinquantaine de manifestant.e.s les attaquant avec des cocktails molotovs est une fiction » , répond le « service de presse » de la Zad le 24. D’après les témoignages recueillis par les membres de ce groupe presse, « le drame est au contraire intervenu dans un moment décrit comme calme ou quelques dizaines de personnes faisaient face de manière statique depuis environs 45 minutes aux gendarmes mobiles. Les gendarmes étaient alors très nombreux face à un groupe réduit de manifestant.e.s ». Un effectif de gendarmes mobiles, en embuscade, serait alors sorti à l’improviste de la forêt, chargeant les manifestants, ce qui a suscité la fuite des personnes présentes. C’est à ce moment là qu’une série de grenades aurait été lancée sur quelques personnes à la queue du groupe tentant d’échapper à la charge.
Une plainte sera déposée
L’avocat de Maxime Peugeot, Maître Gerbi, a annoncé que le jeune homme - dont il a recueilli le témoignage, était bien dos aux gendarmes quand il a été blessé. Il a ajouté qu’il avait bien ramassé la grenade, imaginant que ce serait une munition en moins pour les gendarmes, et ignorant apparemment tout du danger de l’engin. « Alors que tous les zadistes sont informés qu’une grenade, on ne la ramasse pas, lui il ne le sait pas. » L’avocat a ajouté que le jeune homme n’a jamais eu l’intention de jeter cette grenade sur les forces de l’ordre. « Elle a explosé quelques secondes après l’avoir ramassée, il avait les forces de l’ordre dans le dos », a rapporté Maître Gerbi. Une plainte pour violence volontaire devrait être déposée.
Le contexte demeure à éclaircir : les gendarmes, comme l’affirme le ministère, étaient-ils pris à partie par des manifestants, ou ont-il fait usage de la force de manière disproportionnée ? « Ce qui ressort de l’ensemble des témoignages est clair, estime le groupe presse de la Zad. Contrairement à ce qu’ils affirment, les gendarmes ne sont pas intervenus avec des grenades explosives pour se dégager d’un groupe d’assaillant.e.s et se sortir d’une situation de danger grave, mais bien pour disperser des manifestant.e.s alors statiques et en sous-nombre d’un champs. »
« Utilisation massive et dangereuse des armes par la Gendarmerie »
L’équipe medic de la zad et le collectif de soignant.es professionnel.les mobilisé.es ajoute : « Depuis le 9 avril dernier, nous n’avons cessé de tirer la sonnette d’alarme quant à l’utilisation massive et dangereuse des armes par la Gendarmerie nationale. De même, nous n’avons cessé d’alerter et de manifester notre lourde inquiétude quant à l’issue de ce conflit. C’est pour cela qu’un collectif a décidé, le mercredi 18 avril 2018, de saisir le Défenseur des droits, Jacques Toubon, à propos des violences policières commises sur la zad. Malheureusement, contrairement à ce qui nous avions espéré, cette sollicitation n’a pas permis d’éviter un drame. »