Le 12 mai, le Sénat brésilien, majoritairement à droite, a voté la destitution Dilma Roussef (PT, gauche), première femme présidente au Brésil. Michel Temer (PMDB, droite) a pris sa place en tant que président intérimaire jusqu’à la fin du mandat présidentiel, en 2018. Il a annoncé la composition de son gouvernement, qu’il préparait déjà depuis plusieurs semaines. Celui-ci se compose de 23 ministres, sans aucune femme ! C’est la première fois depuis 1979 – l’époque de la dictature – qu’un gouvernement brésilien est intégralement masculin, souligne l’édition brésilienne d’El País. Onze femmes étaient ministres pendant les années de gouvernement de Lula (2002-2010), et quinze sous le mandat de Dilma Roussef.
Signe de la politique que va mener ce gouvernement, le président intérimaire a choisi de supprimer deux ministères. Celui de la Culture est fondu dans l’Éducation, et celui des femmes, de l’égalité raciale et des droits humains, disparaît dans celui de la Justice. Une manière de répondre symboliquement aux milieux culturels et aux mouvements sociaux qui s’étaient massivement mobilisés contre la procédure de destitution, apparentée à un coup d’état institutionnel.
La Justice brésilienne s’intéresse déjà à plusieurs nouveaux ministres. Une dizaine d’entre eux font l’objet d’une investigation ou sont cités dans le cadre de l’enquête sur un scandale de corruption et de financements illégaux de campagnes électorales, le « Lava Jato », un système de fausses factures via le géant pétrolier public Petrobras. Ces investigations sont en cours dans le pays depuis 2014, et ont servi de prétexte à la destitution de Dilma Rousseff par la droite et l’extrême droite, même si la présidente n’a pour l’instant pas été mise en cause, à la différence de membres du nouveau gouvernement. La procédure de destitution s’appuyait sur des accusations de « pédalage fiscal », un recours à des emprunts auprès d’établissements publics pour financer le budget de l’État, mais pas sur des faits de corruption.
Une dizaine de ministres déjà accusés de corruption
Le nouveau ministre de la Justice brésilien, Alexandre de Moraes (PSDB, droite), assure qu’il poursuivra cette lutte anti-corruption. Mais ses premières déclarations ont visé les mouvements qui ont dénoncé la destitution comme un coup d’État institutionnel : il les accuse de mener des actes de « guérillas » [1]. Alexandre de Moraes, ancien responsable de la sécurité publique à São Paulo, est d’ailleurs connu pour avoir prôné des méthodes de répression violentes face aux mouvements sociaux. Avocat de profession, il est aussi critiqué pour avoir défendu une coopérative de transport soupçonnée d’avoir blanchi de l’argent pour une organisation criminelle, liée au trafic de drogue, de la mégalopole. Il a aussi été l’avocat d’Eduardo Cunha, l’ancien président la chambre des députés brésiliens et opposant à Dilma Rousseff et au Parti des travailleurs. Celui-là même qui a conduit la procédure de destitution de la présidente, avant d’être déchu de ses fonctions la semaine dernière à cause de son implication dans des affaires de corruption et d’évasion fiscale.
Autre signe qui n’augure rien de bon en matière de protection de l’environnement : le nouveau ministre de l’Agriculture, Blairo Maggi, est l’héritier d’un grand groupe d’agrobusiness, Amaggi, l’un des plus importants producteurs de soja au monde, et un acteur de premier plan de la déforestation en Amazonie.