C’était l’un des enjeux de la 24e conférence internationale sur le climat (COP24) : réviser à la hausse les engagements climatiques nationaux, ou du moins s’engager collectivement à le faire rapidement, en vue de remettre les États sur une trajectoire compatible avec un réchauffement global qui tenterait de ne pas dépasser 1,5°C d’ici la fin du siècle. Hormis l’engagement unilatéral de quelques États, les pays n’ont pas réussi à se mettre d’accord collectivement à ce sujet. Ils se sont également révélés incapables de trouver un consensus pour valider le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) détaillant les effets d’un réchauffement de 1,5°C et de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle (lire à ce sujet : Réchauffement : « Nous sommes la dernière génération à pouvoir agir »).
Selon les projections du Global Carbon Project, un consortium scientifique international sous l’égide de l’université britannique d’East Anglia, les émissions mondiales de dioxyde de carbone issues de la combustion de ressources fossiles (charbon, pétrole et gaz) ainsi que des cimenteries devraient s’élever à 37 milliards de tonnes en 2018. Soit une augmentation de 2,7 % par rapport à l’an dernier. « La COP 24 a donné le triste spectacle d’une incompréhension entre des pays qui défendent leurs intérêts économiques et industriels, et des pays vulnérables qui jouent leur survie. Au final, ce sont les peuples qui sont abandonnés », regrette Clément Sénéchal, chargé de campagne climat pour Greenpeace France.
« Malgré ses beaux discours et ses slogans faciles, Emmanuel Macron préfère dérouler le tapis rouge au secteur privé »
Ni Emmanuel Macron, ni Edouard Philippe n’ont jugé utile de se déplacer pour l’ouverture des négociations, lors de la journée réservée aux chefs d’État. La France connait pourtant des émissions en hausse de +3,2% en 2017, ce qui l’éloigne de ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (+6,7 % par rapport aux objectifs fixés, selon l’Observatoire climat-énergie). Le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy n’a, lui non plus, pas daigné se déplacer en seconde semaine, lors des négociations politiques. L’agenda du ministre indiquait un rendez-vous le 14 décembre à 17h avec le Conseil national des professions de l’automobile. « François de Rugy a préféré rencontrer à Paris le principal lobby de l’automobile plutôt que ferrailler à Katowice pour donner plus d’ambition aux maigres résultats d’une COP24 une fois de plus décevante », déplore l’association Attac.
François de Rugy a donc laissé la place à sa secrétaire d’Etat, Brune Poirson, qui elle-même est repartie quatre jours avant la fin des discussions. « La France a renoncé à jouer un rôle moteur dans les négociations climatiques, au moment même où le besoin d’impulsion politique est indispensable pour décrocher un résultat ambitieux malgré les tensions », déplore Clément Sénéchal, qui critique un gouvernement « qui a déserté l’arène internationale ».« Malgré ses beaux discours et ses slogans faciles, Emmanuel Macron préfère dérouler le tapis rouge au secteur privé lors de One Planet Summit non-contraignants. »
– Lire à ce sujet : Pendant que Macron organise son sommet climat, l’Etat continue de financer allègrement le réchauffement planétaire
Vers +3,2°C d’ici la fin du siècle
Les États sont tout de même parvenus à adopter des règles d’application minimales pour l’Accord de Paris, permettant de planifier, mettre en œuvre et revoir leurs actions pour le climat. « Le texte approuvé aujourd’hui constitue une première base pour rendre les États redevables de leurs engagements et espérer pouvoir les relever tous les 5 ans. Mais il omet des éléments essentiels pour rendre la transition juste, inclusive, équitable et pour apporter des réponses aux plus vulnérables face à la crise climatique », souligne le Réseau Action Climat. Ainsi, le respect des droits humains a tout simplement disparu du texte, alors qu’il faisait partie de l’accord de Paris, tout comme les références à la sécurité alimentaire et à l’égalité de genre.
Autre écueil : « Bien que 128 millions de dollars aient été promis au Fonds d’adaptation, le mode d’emploi établit des règles trop faibles pour rassurer les pays en développement que les financements climatiques seront bien réels et adéquats » relève le Réseau Action Climat. Faute d’accord, les discussions sur les marchés carbone ont également été reportées à la COP25, qui se tiendra en novembre 2019 au Chili. Cette rencontre sera précédée en septembre 2019 par le sommet sur le climat de l’Onu, où les pays seront invités par le secrétaire général António Guterres à présenter des engagements plus ambitieux. A ce stade, les engagements pris par les États lors de la COP21, à supposer qu’ils soient intégralement tenus, mettent la planète sur une trajectoire de réchauffement de 3,2 °C d’ici à la fin du siècle.