Le 5 novembre 2015 à Bento Rodrigues, près de la ville historique de Mariana au Brésil, un barrage de déchets miniers de la compagnie Samarco s’est rompu, déversant 55 millions de m³ de boues toxiques dans la vallée du fleuve Rio Doce, un des principaux fleuves du pays qui travers la région sud-est du Brésil. Cette coulée de boue s’est déversée sur plus de 700 km jusqu’au littoral avant de se répandre sur plus de 200 km de côte océanique. Elle a provoqué la mort de 19 personnes et affecté la vie d’environ un million de personnes selon les estimations du mouvement brésilien des personnes atteintes par les barrages (MAB) qui accompagne les sinistrés et lutte pour que justice soit faite [1].
Cette catastrophe annoncée par la vétusté des infrastructures de sécurité aux abords du barrage est considérée comme le plus grand dégât environnemental du Brésil. Parmi les personnes sinistrées il y a bien sûr les populations vivant aux bords du fleuve, comme le peuple indigène Krenak pour qui le fleuve n’est pas qu’une source d’alimentation et d’organisation de la vie collective, mais aussi une identité spirituelle constitutive de ce peuple. Au delà de ce drame pour le peuple Krenak, l’impact le long du Rio Dolce est général.
Sur les rives du fleuve, beaucoup on perdu leur logement, leur terres agricoles devenues improductives, leur travail pour les milliers de pêcheurs actifs dans la région. Et puis sur l’ensemble du bassin versant c’est aussi toute une population qui dépendait de l’acheminement de l’eau du fleuve, pour l’alimentation ou la production industrielle. Un million de personnes affectées aujourd’hui soit par le chômage, la perte de leurs biens mais aussi des problèmes sanitaires tant psychologiques que respiratoires, neurologiques ou dermatologiques causés par le contact avec les métaux lourds.
Pourtant aujourd’hui, trois ans après, aucun responsable n’a été condamné et ce crime reste impuni.
Seule une petite partie des sinistrés est prise en compte par la fondation Renova, fondation créée par l’entreprise Samarco, qui n’est autre qu’un produit local des deux multinationales Vale et BHP Billiton. S’ajoute à cela une répression quotidienne des personnes qui se mobilisent pour faire valoir leurs droits et dénoncer les conditions précaires de réparation qui leur sont attribuées. Parmi elles, une vingtaine de personnes, dont des leaders indigènes, est même poursuivie en justice par ces multinationales !
Pendant ce temps, la réparation financière et matérielle traîne. Les enquêtes judiciaires sont archivées ou ralenties, et la société civile empêchée de participer aux prises de décisions portant sur l’assistance aux sinistrés, la réparation des dégâts environnementaux et économiques. Alors que le désastre est considéré comme plus important que la marée noire du golfe du Mexique en 2010 dont le coût de la réparation avait été estimé à 35 milliards d’euros, la justice a autorisé les multinationales criminelles à ne pas dépenser plus de 4 milliards d’euros. Soit dix fois moins que le montant qui serait nécessaire. Enfin selon le MAB, moins d’un quart de la somme aurait été dépensé en trois ans, et une grande partie pour des consultations internationales peu transparentes et inefficaces pour les sinistrés.
En signant la pétition de la Fondation France Libertés et en demandant Justice pour le peuple Krenak, nous souhaitons aussi défendre la cause des centaines de milliers de brésiliens sinistrés sur le bassin versant du fleuve Rio Doce. Nous dénonçons le pouvoir démesuré des multinationales qui tirent leurs plus-values de l’exploitation des matières premières du sol latino-américain, sans souci des populations ni des écosystèmes, et soumettent les États à leurs règles arbitraires au lieu d’en respecter les législations. Comme pour le crime de Chevron dans l’Amazonie Équatorienne, comme pour Monsanto sur l’ensemble du continent, les lobbys de ces multinationales doivent être combattus et jugés.
Corinne Morel-Darleux (secrétaire nationale du Parti de Gauche et conseillère régionale Auvergne Rhône Alpes) et Florence Poznanski (référente Brésil du Parti de Gauche et conseillère consulaire) / Photo © Kadeh Ferreira
– Pour signer l’appel #JusticeforKrenak
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