Cet article a initialement été publié dans le magazine L’âge de faire.
« Pour une vidange ? Oui, pas de problème, j’ai une place à 15 heures. Le matériel est loué 20 euros de l’heure. On peut vous vendre de l’huile, mais si vous passez par une grande surface, achetez la plutôt avant de venir, ça vous coûtera moins cher. » Ce n’est pas un sympathique employé qui me parle, mais le patron lui-même – qui est d’ailleurs le seul employé de l’entreprise. Thierry Bassalair (« il manque juste le « e » à la fin… ») n’est pas de ceux qui courent sans vergogne après le profit. Et c’est d’ailleurs ce qui l’a poussé à ouvrir, en février 2012, son propre garage, dont le nom résume le concept : le garage « Faites-le vous même ». Ici, les clients manient eux-mêmes les clés à molette et mettent les mains dans le cambouis.
A première vue, en entrant, cela ressemble à un garage tout à fait classique : des voitures au capot ouvert, montées sur des ponts, des odeurs d’huiles et d’essence, des mécanos travaillant sur ou sous les véhicules. Sauf que ces mécanos là sont en fait les clients de Thierry, qui passe d’une voiture à l’autre pour distiller ses conseils, tendre le bon outil, et donner un coup de main.
« Aider les clients »
A 44 ans, le patron a passé une bonne partie de sa vie au milieu des voitures. « J’ai commencé à travailler dans un garage à 15 ans », rapporte-t-il. A partir des années 90, si sa passion pour la mécanique restait intacte, son métier lui laissait en revanche un goût de plus en plus amer. « Je bossais dans une grosse concession. On faisait parfois payer 200 euros pour une vidange… Quand tu sais ce que ça coûte en temps et en matériel, j’étais écœuré… On me demandait du rendement, et encore du rendement. Le rapport avec le client, il n’y en avait plus. Alors que moi, justement, l’une des choses qui me plait dans ce métier, c’est d’aider mes clients ! »
Après avoir entendu parler de garages alternatifs qui fonctionnaient dans le Nord, il saute le pas et ouvre son propre « Faites le vous même ». Depuis, la clientèle n’a cessé d’augmenter. On y trouve de tout, du passionné de mécanique qui vient profiter de l’outillage pour pas cher, au néophyte qui souhaite faire des économies, en passant par celui qui souhaite apprendre quelques rudiments pour se réapproprier son véhicule. Les mécanos amateurs sont avant tout masculins, mais Thierry constate que de plus en plus de femmes viennent au garage.
Tout est faisable, ou presque, avec les bons outils et les conseils avisés du maître des lieux. « Cela dépend aussi du client. Quand un nouveau arrive, je jauge son habileté. J’arrive à savoir assez rapidement s’il sait se servir de ses mains, s’il s’y connait un peu, ou pas du tout. En fonction de ça, je le laisserai faire certaines choses, et d’autres non. »
« J’y trouve mon plaisir, et le client aussi »
Plaquettes de freins, amortisseurs, vidange, changement des filtres... Tout l’entretien ordinaire d’un véhicule est réalisable sur place. Les clients, qui paient l’outillage à la demi-heure, et qui débarquent si nécessaire avec les pièces détachées qu’ils se sont eux-même procurées, peuvent rapidement réaliser jusqu’à 50 % d’économie. Et plus on pratique, plus on va vite, plus les économies réalisées sont importantes.
Aussi à l’aise devant un capot ouvert qu’une poule devant un couteau, j’ai effectué ma vidange moi-même. Pour la petite histoire, comme il a déjà dû « jauger mon habileté » lorsque je m’apprête à retirer le bouchon du carter, Thierry prend soin de me glisser que « pour dévisser, on tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre ». Je m’exécute (un peu vexé quand même…). Environ une heure après mon arrivée – quand cela ne demande théoriquement pas plus d’une demi-heure –, j’ai la satisfaction du travail accompli : j’ai laissé couler l’huile usagée dans un bac récupérateur – qui sera ensuite amené au recyclage –, revissé le bouchon du carter (en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre), changé le filtre à huile, redescendu la voiture du pont et remis de l’huile neuve dans le moteur.
Malgré ma lenteur, cela ne m’a coûté que 45,64 euros, pièces et « main d’œuvre », quand le premier prix affiché chez un grand concessionnaire du coin était de 65 euros.
« Le but, c’est que tout le monde soit content, les clients, et moi. Personnellement, j’y trouve mon plaisir : je n’ai plus la pression du rendement à tout prix, et il y a de la convivialité avec les clients », explique Thierry qui, pour payer ses frais, doit quand même effectuer environ 55 heures de travail hebdomadaire – « heureusement, c’est une passion ». Quant aux clients, « ils viennent de plus en plus nombreux, surtout par le bouche à oreille. Et quand ils sont venus une fois, ils reviennent. Quand tu vois ça, tu te dis que tu as fait le bon choix. »
Nicolas Bérard (L’âge de faire)
En savoir plus : le site Internet du garage. Les garages de ce type se multiplient un peu partout en France. Renseignez-vous, il y en a sûrement un près de chez vous !
Cet article est tiré du numéro 100 de L’âge de faire, partenaire de Basta!. Retrouvez sa présentation sur notre page partenaires. Dans le dernier numéro, les contributions de huit personnes engagées qui se sont livrées à un petit jeu de science-fiction, autour d’une question : « Ecole, économie, art, politique… à quoi pourrait ressembler l’avenir ? ». Pour voir le sommaire complet, c’est ici.