Le verdict est tombé. Plus de 40 000 internautes ont pris part au vote en ligne pour désigner les « prix Pinocchio » du climat : les entreprises dont les beaux discours sur la préservation de l’environnement sont les plus éloignés de leurs pratiques. Cette année, les gagnants sont EDF, pour ses publicités vantant une électricité « sans CO2 », l’états-unien Chevron, pour son activisme en faveur des très polluants gaz de schiste, et BNP Paribas, pour ses investissements dans le charbon, fortement émetteur de CO2. Cette année, COP21 oblige, l’enjeu climatique était au centre de la nouvelle édition des prix Pinocchio, qui visent à mettre en lumière les pratiques douteuses et les faux discours des multinationales. Deux sponsors officiels de la COP21 figurent parmi les lauréats.
Dans la catégorie « Greenwashing », c’est EDF qui est sortie du lot, en raison de ses campagnes publicitaires profitant de la tenue de la COP à Paris pour faire la promotion de l’énergie nucléaire. L’entreprise française, dont l’État détient 84%, n’a pas hésité – en contradiction totale avec ses documents officiels, comme nous l’avons rappelé dans une étude avec le Basic – à présenter l’électricité nucléaire qu’elle distribue en France comme « sans CO2 ». En réalité, en raison notamment de l’extraction et du transport de l’uranium, l’empreinte carbone de l’électricité nucléaire est loin d’être nulle, et significativement supérieure à celle des énergies renouvelables, en plus d’être plus risquée et plus coûteuse.
EDF a déjà été poursuivie devant le Jury de déontologie publicitaire à plusieurs reprises par des associations écologistes et antinucléaires. Le Jury leur a donné raison dans les deux avis qu’il a rendu à ce jour. Elles ont également déposé plainte devant le Tribunal de grande instance pour pratique commerciale trompeuse (lire notre article). Au final, l’opération de com’ d’EDF aura sans doute été contre-productive. Les deux autres nominés dans cette catégorie étaient Engie, pour sa très soudaine et suspecte conversion à la transition énergétique, et le norvégien Yara, leader mondial des engrais synthétiques, qui s’est approprié le slogan de « l’agriculture climato-intelligente » pour faire la promotion de l’agriculture industrielle.
Pour ce qui est du lobbying exercé sur les gouvernements, c’est le pétrolier Chevron – habitué de ce genre de prix – qui s’est distingué pour la manière dont il a imposé le gaz de schiste à l’Argentine et dont il essaie de l’imposer à l’Europe, sans trop de succès à ce jour. La nomination de Chevron, comme celle de Total dans la même catégorie, illustre la tentative actuelle de l’industrie pétrolière d’imposer le gaz – surtout le gaz de schiste – comme solution privilégiée pour remplacer le charbon, aux dépens d’une véritable transition énergétique (lire notre article). Le troisième nominé dans cette catégorie était le géant français de l’agrobusiness Avril-Sofiprotéol, pour son lobbying en faveur des agrocarburants, une source d’énergie présentée comme verte mais de plus en plus discréditée.
Enfin, en plus de leur impact climatique, les énergies fossiles ont aussi des conséquences immédiates et tout aussi dramatiques sur les riverains des sites de production et leur environnement. Shell pour ses activités au Nigeria toujours aussi destructrices vingt ans après la mort du militant Ken Saro-Wiwa, et Anglo American, qui possède la plus importante mine de charbon à ciel ouvert du monde en Colombie, figuraient parmi les nominés dans cette catégorie. C’est finalement BNP Paribas qui s’est imposée. La banque française, en plus des multiples controverses auxquelles elle est actuellement exposée, est l’un des principaux soutiens financiers du charbon et des autres énergies fossiles au niveau mondial. Elle est impliquée dans des projets extrêmement controversés, comme la centrale de Tata Mundra en Inde (lire notre article).
Tous les nominés des prix Pinocchio du climat – dont Basta! et l’Observatoire des multinationales sont partenaires médias – méritaient sans doute de gagner. Pour les associations qui les organisent [1], la remise des prix est surtout une occasion de rappeler que les multinationales sont les premières responsables de la crise climatique. Par leur lobbying, elles favorisent l’inaction et le manque d’ambition de nos gouvernements, et entravent les transformations structurelles nécessaires. « Tant que BNP Paribas et EDF continueront d’investir massivement dans les énergies fossiles et le nucléaire, ils feront partie du problème, pas de la solution, conclut Juliette Renaud des Amis de la terre. En votant pour ces deux sponsors de la COP21, les citoyens ont montré qu’ils ne sont pas dupes de leurs mensonges qui polluent les négociations et sapent la possibilité de parvenir à un accord ambitieux et équitable sur le climat. »
Olivier Petitjean