Quelques jours après la primaire socialiste, se tient un scrutin dont on ne parle quasiment pas. Et pourtant, il concerne plus de 2,5 millions de fonctionnaires, des enseignants de l’Éducation nationale aux infirmières des hôpitaux, en passant par les gardiens de la paix, les postiers, les gardes forestiers, les magistrats, les contrôleurs du fisc ou les chercheurs du CNRS. Pour la première fois, quasiment toute la Fonction publique votera en même temps lors des élections professionnelles, autour 20 octobre. Sauf ceux de la territoriale, qui avaient voté en 2008 et attendront 2014, et quelques scrutins décalés, notamment pour les dizaines de milliers d’agents de France Télécom-Orange qui ont gardé leur statut de fonctionnaires.
Les élections se dérouleront, selon les secteurs, autour de la date du 20 octobre (du 13 au 20 octobre pour l’Éducation nationale, le 18 octobre pour La Poste). Pour la première fois, grâce à la mobilisation des syndicats, l’ensemble des contractuels de la fonction publique – titulaires de contrats de droit privé, précaires – participeront au vote.
Ces élections sont multiples : elles désignent les élus aux comités techniques, pendant public des comités d’entreprise du privé, mais avec moins de prérogatives ; aux commissions administratives paritaires, qui gèrent les carrières des agents de l’État ; aux comités d’hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT), là aussi avec moins de pouvoir que leurs homologues du privé, « devoir d’obéissance » envers l’État employeur oblige. Le tout étant décliné par ministère et par département, avec parfois une dizaine de listes, pas facile de s’y retrouver !
Le vote électronique, facteur de « confusion » ?
Censé faciliter une partie du scrutin, le vote électronique est expérimenté dans l’Éducation nationale. Une première, initiée par le ministre Luc Chatel, qui est loin de faire l’unanimité. « La mise en place pratique de ce scrutin se fait dans la plus grande confusion et précipitation, avec un calendrier très resserré et des choix techniques discutables », déplore la CGT Éducation, dans un communiqué du 20 septembre. « Tout est fait pour que le moins de personnels possible puissent s’exprimer. » Des inquiétudes largement confirmées par un article commun de Rue 89 et Miroir social : niveau de sécurité et de confidentialité très faible, bugs sur les serveurs empêchant les personnels de s’inscrire… Le tout pour un contrat de 4,5 millions d’euros passé avec la société de service informatique Atos.
« À un coût moyen de 5 euros par électeur, nous sommes ici bien au dessus des tarifs pratiqués en matière d’élection professionnelle par voie électronique. La sécurité a sûrement un prix… à condition qu’elle fasse ses preuves », avance Rue 89. En comparaison, le coût de la primaire socialiste est pour l’instant estimé à 3,6 millions d’euros. Ce qui revient, s’il y a un million d’électeurs, à 3,60 euros par votant. Précisons qu’Atos est présidé par Thierry Breton, ancien ministre de l’Économie, ancien PDG de Thomson et de France Télécom, plus connu pour ses talents de cost-killing que de prestations informatiques. Y aurait-il un lien avec ce tarif bien au-dessus du marché ?
Quoi qu’il en soit, les organisations syndicales craignent que le taux de participation, environ 64 % aux dernières élections, en pâtisse. L’Union syndicale Solidaires regrette de son côté qu’une telle expérimentation n’aie pas été menée dans une administration de taille un peu plus modeste que l’Éducation nationale, avec ses 900 000 salariés, afin d’éviter un « bug » démocratique qui aura de lourdes répercussions.
Car ces élections pèseront pour déterminer la représentativité des syndicats au niveau national. Côté Fonction publique d’État, un bug chez un tiers des inscrits, et c’est toute la machine qui est faussée. Pour l’instant, à l’aune des dernières élections professionnelles au sein de la Fonction publique d’État (hors hôpitaux et collectivités locales), et avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles de représentativité fin août 2008, c’est la FSU qui arrive en tête (20 %), grâce justement à son poids chez les enseignants, suivie de l’Unsa (17 %, en partie grâce aux policiers), la CGT (15,5 %), FO (13 %), la CFDT (11,5 %), Solidaires (10 %), la CGC (4 %) et la CFTC (2 %). Avec un taux moyen de participation de 70 %.
Enfin, dans le secteur hospitalier, avec ses 770 000 médecins, infirmières, sages-femmes ou personnels administratifs, le rapport de force entre syndicats est plus classique : CGT (31,5 %), CFDT (24,5 %) et FO (22 %) composent le trio de tête, suivis de SUD (9 %), l’Unsa (4,5 %) et la CFTC (4 %). Avec le risque, pour tout ceux qui ne passeront pas la barre des 5 %, de ne plus pouvoir siéger dans les instances nationales.
Ivan du Roy
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