Photo : DR
La crainte monte en Basse-Saxe (Allemagne) alors que du mercure et du benzène ont été retrouvés dans le sol. Une équipe de la télévision allemande NDR a réalisé le 21 février dernier un reportage sur ce sujet. Parmi les habitants rencontrés, Erdwin Schoon, qui a retrouvé mortes les quelque 150 carpes de son étang, au printemps dernier. Chaque jour, il voit dépérir les arbres autour de chez lui. Ses études de sang sont alarmantes : elles révèlent un taux de mercure de 1,3 μg/l, alors que la norme est fixée à 0,7 μg/l. Un résultat sanguin semblable pour sa femme.
Erdwin Schoon réside avec sa famille à 200 mètres d’un champ gazier à Söhlingen. De chez lui, il aperçoit l’installation qui filtre les liquides toxiques provenant du gaz naturel. En janvier dernier, une conduite enterrée s’est partiellement corrodée. Résultat : le sol et les nappes phréatiques ont été pollués par du mercure et du benzène. Le responsable de ce champ gazier ? La multinationale américaine ExxonMobil.
Des pollutions suspectes
Reinhard Preil est lui aussi inquiet. Des conduites d’Exxon transportant des liquides et gaz toxiques passent sous son terrain. Ses arbres meurent les uns après les autres. Autre fait marquant : du méthane, relevé dans l’eau, sort des robinets des maisons situées à proximité des champs d’extraction de gaz naturel. Une histoire qui rappelle les images du documentaire Gasland, sur l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis. Selon le toxicologue Hermann Kruse, il est essentiel d’évaluer rapidement l’impact sanitaire de cette méthode d’extraction du gaz, car « il n’est pas admissible qu’on en arrive à des manifestations cliniques visibles sur la population ».
Du côté d’Exxon Mobil, on assure lors de réunions publiques ne pas avoir eu de précédent en ce sens. Mais cela ne suffit pas à rassurer les résidents de Lünne, dans le district d’Emsland : Exxon projette d’y réaliser des forages, cette fois pour du gaz de schiste. La multinationale a obtenu des concessions pour explorer ce gaz non conventionnel en Basse-Saxe et en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
Pour Hermann Kruse, les concentrations élevées de benzène relevées dans le sang des habitants prouvent le présence d’une source de benzène sous terre, car normalement, on ne trouve pas de benzène dans le sang. Il préconise, pour éviter des préjudices plus importants, le tarissement de cette source. Ce qui ne va pas dans le sens d’ExxonMobil, plus soucieuse de profit juteux que des risques sanitaires éventuels.
Exxon poursuit l’extraction du gaz
Seuls des prélèvements dans le sol et dans l’eau ont pour le moment été effectués en Basse-Saxe, à proximité des installations extractives. Quelques politiques ont réagi sur la question. Ils demandent notamment à la Landesbergamt, l’administration des mines de la Basse-Saxe, d’« entrer en action », en commençant par la réalisation d’études sur la qualité de l’air. Pointée du doigt car directement responsable de la surveillance d’Exxon, l’administration des mines a commencé l’examen de toutes les conduites en plastique dans la région.
En l’absence de preuves évidentes sur le lien entre les installations d’Exxon et la pollution des nappes et des sols, la multinationale américaine poursuit, comme si de rien n’était, l’extraction du gaz. Le problème a fait néanmoins suffisamment de vagues au cours des derniers mois, pour être inscrit désormais à l’agenda politique du Parlement régional. Et cela au moment où de nombreux pays européens connaissent des mobilisations contre l’exploitation des gaz de schiste, réputée encore plus polluante que celle du gaz conventionnel. Il semble que le slogan des républicains américains partisans d’une intensification des forages en 2008 « Drill, baby drill » [1] soit encore d’actualité. L’extractivisme a encore de beaux jours devant lui.
Sophie Chapelle