« Durant quatre ans, nous avons participé à la lutte associative contre l’autoroute Langon-Pau (A65) », expliquent Sophie Metrich et Julien Milanesi, réalisateurs du film « L’intérêt général et moi ». Alors que l’infrastructure routière est en cours d’achèvement, faire quelque chose de cette histoire leur apparaît nécessaire : « Faire un film pour laisser une trace de l’offense subie, pour s’interroger sur le sentiment que nous étions légitimes pour nous exprimer sur le devenir de notre territoire, et pour réfléchir sur l’intérêt général, dont nous nous sentions également porteur. »
A l’origine du film, la volonté de parler de la souffrance que génère la construction de ce type d’infrastructure sur les territoires et les vies qu’elle traverse, de l’outrage ressenti, du sentiment mêlé de violence subie et d’impuissance. « Nous voulons parler de ces personnes touchées dans leur espace de vie, dans la chair de leur vécu quotidien, de leur passé, de leur avenir. De ceux qui ne pouvant expulser cette violence, la retournent parfois contre eux », expliquent-ils.
"L'intérêt général et moi", film-annonce#2 from Direction Humaine des Ressources on Vimeo.
« L’intérêt général » ?
Cette douleur s’ancre d’abord sur un territoire, au nord-est de la forêt landaise, exemplaire par la succession des projets qui s’y inscrivent : à quelques kilomètres de l’autoroute A65 inaugurée en 2010 est maintenant planifiée, en parallèle, la construction d’une nouvelle ligne de train à grande vitesse (LGV). Il est ainsi question d’un sacrifice – celui d’une terre habitée, de ses paysages, de ses cours d’eau, de ses chemins, de ses villages, de ses maisons, de ses souvenirs – et de sa justification : au nom de quoi ? en échange de quoi ?
La réponse a l’apparence de l’évidence : ce sacrifice est fait au nom de l’ « intérêt général ». Mais derrière cette évidence subsistent de nombreuses questions : Qu’est ce que l’« intérêt général » ? Qui le définit ? Sur quels fondements ? Au nom de quoi ? De qui ? Quelle est, quelle doit être la place des « sacrifiés » dans cette définition ? Habiter, vivre dans un lieu, donne-t-il des droits sur son devenir ?
Extrait du film "L'intérêt général et moi" - séquence animation from Direction Humaine des Ressources on Vimeo.
Ces questions se sont posées sur l’A65 comme elles se posent aujourd’hui à propos des projets de Ligne ferroviaire à Grande Vitesse du Sud-Ouest – on parle de la « LGV GPSO » dont la déclaration d’utilité publique a été signée le 5 juin 2016 par le secrétaire d’État aux transports – et d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. « Nous avons souhaité intégrer au film ces deux projets pour donner une portée plus générale à notre propos et, à partir de ces exemples de grands projets d’infrastructures de transport, essayer d’y apporter des éléments de réponse. L’ambition de ce film est ainsi de proposer une réflexion, incarnée dans ces projets mais éclairante sur d’autres sujets, sur la façon dont se prennent les décisions publiques en France aujourd’hui. »
A partir d’une centaine d’heures d’entretiens, les réalisateurs font dialoguer les différents acteurs de ces controverses : les gens touchés dans leur quotidien, les associations engagées contre les projets, les élus qui les combattent ou les soutiennent, les hauts fonctionnaires, les journalistes qui rendent compte de ces conflits. Un film d’utilité publique, alors que se déroule le 26 juin prochain le référendum autour de la construction ou non de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Connaitre toutes les dates de projections sur le site du film : linteretgeneraletmoi.tumblr.com
Photo de une prise à Notre-Dame-des-Landes, transmise par les réalisateurs du film.