Officiellement, le PCF souhaite, selon Pierre Laurent, coordinateur de la direction collégiale du parti, « élargir la démarche du Front de Gauche ». L’alliance entre le PCF et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon avait recueilli 6% des suffrages aux élections européennes, devançant le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) d’Olivier Besancenot (4,9%) et Lutte ouvrière (1,2%). Si le PCF espère ne pas rester en tête-à-tête avec Jean-Luc Mélenchon, sa conception de l’élargissement demeure assez limitée. Dans la liste des partenaires possibles, ni le NPA, ni « la Fédération », qui regroupe des communistes « unitaires », des militants des anciens collectifs anti-libéraux et certains des écologistes les plus à gauche des Verts, ne sont évoqués par Pierre Laurent. Des négociations sont cependant ouvertes et le NPA est présent à la "Fête de l’Huma". Bref, le risque de multiples listes à la gauche du PS est loin d’être écarté dans la perspective des élections régionales de mars 2010. Le PCF se dirige vers des alliances à la carte, avec le PS ici, le Parti de gauche là. Dans une bonne moitié des 22 régions, la Place du Colonel Fabien semble prête à reconduire une alliance avec le PS. Ses éventuels partenaires du Front de gauche seront-ils d’accord ?
En juin, vous souligniez le succès relatif du Front de Gauche, la direction du PCF souhaite-t-elle réitérer l’expérience pour les Régionales ?
Nous avons dit, dès le lendemain de l’élection européenne, qu’on souhaitait poursuivre et élargir la démarche du Front de Gauche, et nous avons commencé à travailler dans ce sens. On aborde une rentrée dans une situation particulière avec une droite qui a des ambitions de reconquête forte, et la tentation d’enfermer la gauche dans une « double impasse » : l’alliance au centre et les primaires pour 2012. Cette situation nous confirme dans l’idée qu’il faut ouvrir une autre voie à gauche. Alors, évidemment, notre offre politique prend en compte l’enjeu de ces élections régionales, avec l’ambition de porter des projets de résistance, tout en travaillant à des majorités de gestion dans les Régions. Plus qu’à la poursuite du Front de Gauche, nous allons travailler à son élargissement.
Mais votre objectif est-il d’aboutir à des listes autonomes au premier tour ?
Notre souci est d’abord de rassembler sur des listes des gens qui seraient d’accord sur les objectifs, c’est-à-dire des projets régionaux de reconquête des services publics, au niveau des transports, de la formation, de la santé. Les Régions peuvent être le lieu de promotion d’autres logiques de Service Public. On pourrait ainsi revoir les conditions d’aide publique aux entreprises pour obliger d’utiliser cet argent au service de l’emploi…
Il y aura forcément des stratégies différentes en fonction des Régions…
À nos yeux, l’heure n’est pas à fixer qui il y aura sur les listes. Nous avons plutôt envie de proposer une offre politique nouvelle, et nous verrons ensuite qui répondra présent ou pas. Tout le monde oublie que nous avons lancé l’appel pour les élections européennes en octobre de l’année dernière… Les socialistes qui ont fondé le Parti de gauche, la Gauche unitaire (ex-NPA), les militants de République et socialisme (ex-MRC)… Toutes ces forces étaient respectivement dans leur formation. Nous avons donc lancé un appel qui a créé une dynamique politique. C’est ce que nous voulons refaire avec les élections régionales, il peut se passer des choses qui ne sont pas encore écrites…
Donc vous espérez une stratégie nationale…
Cette offre politique nous allons en faire une offre politique nationale et conduire cette stratégie dans toutes les Régions. Je ne suis pas sûr que j’aurai dans toutes les Régions des socialistes qui répondront la même chose. Jean Jean-Jacques Queyranne en Rhône-Alpes souhaite une alliance du PC au Modem, ce n’est pas du tout ce que nous souhaitons, mais dans d’autres Régions nous sommes peut-être capables de créer d’autres situations. Quant à l’offre politique de Jean-Luc Mélenchon qui propose un paquet pour l’autre gauche qui passerait par un accord réalisé dès maintenant pour les élections régionales, présidentielles et législatives, nous pensons que ce n’est pas la bonne manière de procéder. Nous, nous considérons qu’il faut prendre les élections les unes après les autres, considérer avec sérieux les enjeux spécifiques de chaque élection, en essayant de faire bouger les lignes progressivement, et donc nous ne voulons pas dès aujourd’hui figer les possibilités de rassemblement pour 2012, car ce paquet reviendrait à donner une priorité à l’élection présidentielle.
Êtes-vous confiant sur l’avenir du PCF ?
Le Parti Communiste n’est pas condamné à subir le paysage d’une gauche éclatée et impuissante, il a la capacité de prendre des initiatives politiques, de mettre en mouvement une force militante qui peut faire bouger la situation, c’est la leçon que nous tirons de l’expérience du Front de Gauche. Il ne s’agit pas de reconstituer un cavalier seul du PC qui retrouverait à lui tout seul la capacité de représenter la gauche, nous voulons être un parti utile à construire en toutes circonstances des rassemblements à vocation majoritaire. Et pour cela, nous avons besoin d’un PC qui se transforme et qui gagne lui-même en influence. Le renforcement et la transformation du PC vont de pair avec la politique des fronts, la gauche aura besoin des deux.
Recueillis par Marc Endeweld