Entre 10 000 et 15 000 personnes sont descendues le 28 février dans les rues de Barjac, dans le Gard, pour dire « non aux gaz de schiste, de pétrole et de couche ». Ce rassemblement citoyen a été décidé après la ré-attribution à la compagnie pétrolière Total, suite à une décision de justice, du permis de recherche de gaz de schiste dans la région de Montélimar (voir l’appel). « Nous avons choisi d’organiser ce rassemblement dans la commune de Barjac car elle se situe à la limite du permis de Montélimar et sur des permis faisant l’objet d’une demande de renouvellement, souligne Paul Reynard, l’un des porte-parole des collectifs anti-gaz de schiste. Pour nous, c’est ni ici, ni ailleurs ! »
De nombreux élus se sont joints au rassemblement se déclarant fermement décidés à ce que l’on ne touche pas aux sous-sols. « Des maires ont signé des arrêtés contre l’exploration et l’exploitation des gaz et huile de schiste et ont pour certains été trainés en justice », rappelle Sébastien Espagne, autre porte-parole du mouvement. Le maire de Barjac Edouard Chaulet, connu pour son combat pour l’agriculture biologique dans le documentaire « Nos enfants nous accuseront » est en première ligne. « Il nous faut diminuer rapidement nos addictions aux énergies carbonées », assure-t-il. « Un prix du pétrole bas nous protège pour le moment de l’exploitation des gaz de schiste, mais pour contenir un réchauffement en-deçà des 2°C, il faut laisser 80 % des réserves combustibles dans le sol », poursuit Paul Reynard. « L’argent doit être mis sur la transition et les énergies renouvelables. »
Une nouvelle loi contre les gaz de schiste déposée à l’Assemblée nationale
Les failles de la loi de juillet 2011, dite Loi Jacob, qui interdit la fracturation hydraulique, seule technique actuellement opérationnelle pour exploiter les hydrocarbures non conventionnels, sont largement pointées du doigt par les opposants. « Dès le vote de cette loi, nous avons dit qu’elle était imparfaite », précise Jacqueline Balvet, du collectif anti-gaz de schiste d’Anduze et membre d’Attac France. « Total s’est vue réattribuer le permis pour avoir simplement modifié ses déclarations techniques après la parution de la loi, en précisant dans son rapport qu’elle n’utiliserait pas la fracturation hydraulique. » Les collectifs à l’initiative de ce rassemblement exigent du gouvernement une loi qui interdise explicitement l’extraction des hydrocarbures non conventionnels, quelle qu’en soit la technique. « On ne veut plus des promesses, on veut des actes », tempêtent-ils.
« C’est tout l’objet de la loi que j’ai déposée début février au nom du groupe socialiste à l’Assemblée nationale », précise à Basta! la députée de l’Ardèche Sabine Buis [1]. « Ma loi n’aura pas la faille de la loi Jacob car nous ne l’avons pas pensée à partir de la technique mais à partir des hydrocarbures non conventionnels et de ce qu’ils recouvrent. Il s’agit désormais d’inscrire clairement dans le code minier le principe de l’interdiction de toute exploration et exploitation d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. »
Les collectifs reprochent également au gouvernement son manque de clarté. « 130 demandes de permis sont à l’étude, énonce Paul Reynard. Nous avons 39 permis en France arrivés à expiration pour lesquels il y a une demande de prolongation, mais à aucun moment l’État ne rejette ces demandes. Le gouvernement refuse de prendre position. Nous voulons des arrêtés rejetant les permis expirés. » Du côté du Parti socialiste, on tempère. « S’il n’y a a pas de réponse au bout de 18 mois, c’est que la réponse est négative », précise Sabine Buis. Une manière indirecte de refuser les gaz de schiste. « Ce type de mouvement peut contribuer à mettre la pression pour que ma proposition de loi soit inscrite dans l’agenda politique », veut croire la députée socialiste. Les collectifs n’écartent pas l’idée d’un blocage si ces mobilisations ne suffisent pas à écarter toute exploration et exploitation de ces hydrocarbures. Un appel à un large rassemblement à Pau, du 5 au 7 avril, a d’ailleurs été lancé pour « bloquer le Davos des pétroliers et gaziers ».
Texte et photos : Sophie Chapelle
Mise à jour le 15 mars 2016 : « À 30 dollars le baril de pétrole, j’ai autre chose à faire que de chercher du gaz de schiste dans des endroits où l’on ne veut pas de nous » a déclaré le PDG de Total le 14 mars. « Nous le faisons en Argentine, ou dans d’autres pays, mais s’agissant de la France, je n’irai pas contre la volonté politique. A dire vrai, je ne suis pas convaincu qu’il existe du gaz de schiste dans cette région », évoque-t-il. Jean-Louis Chopy, porte-parole du collectif ardéchois de Stop au Gaz de Schiste reste prudent par rapport à ces déclarations : « ce ne sont que des paroles. Il a récupéré son permis. Il ne va pas le déchirer. Si les conditions du marché redeviennent intéressantes (...) ça ne m’étonnerait pas qu’il retourne sa veste à nouveau ».