Si les scientifiques avaient pu nous parler du temps qu’il fait et de celui qui passe, plutôt que du climat, nous saurions tous qu’il s’agit de notre histoire. Les cris d’enfants au premier matin recouvert de silence par les flocons de neige. Un vol d’hirondelles qui annonce l’automne et la rentrée.
Nous n’allons pas parler de tonnes de CO2, de la mauvaise volonté des dirigeants chinois ni des énergies renouvelables. Ce film veut prendre un chemin de traverse pour évoquer le réchauffement climatique, toucher ceux qui s’en fichent et encourager ceux qui essayent. Nous demandons aux habitants des 47 pays du Conseil de l’Europe de raconter dans des vidéos de 2 à 3 minutes leur histoire climatique intime : y’a-t-il un lieu que vous aimez plus que tout, un coin de nature que vous ne supporteriez pas de voir disparaître ? Pourquoi ? Montrez-nous et dites ce qui vous serre le cœur [Vous pouvez envoyer votre film à partir de l’application suivante].
De ces milliers de points de vue disparates, recueillis grâce et via Internet, nous construirons un film poétique et manifeste, au plus près de ce que les “vidéastes” souhaitent transmettre. Autrement dit un film participatif.
L’ambition du projet est de réunir deux mondes qui se regardent en chien de faïence : Internet et le documentaire. Internet est au cœur de ce documentaire. Sans Internet ce film n’aurait pas pu être imaginé et n’aurait pas de sens. Internet renverse le sens du récit documentaire, nous obligeant, nous auteurs, à découvrir des points de vue que nous n’avions pas envisagés pour raconter l’histoire que nous avons imaginée.
Sur une idée de Matthieu Lietaert, nous nous sommes inspirés du film de Ridley Scott, Life in a day, qui racontait une même journée, le 24 juillet 2010, à partir de 4000 heures d’images, filmées par 80 000 Youtubers de 192 pays. La performance était liée à l’essor de Youtube, totalement impliqué dans le projet.
En cinq ans, la vidéo est devenue un média quotidien, intime et citoyen, bien plus accessible que l’écriture. Printemps arabes, sextape, chatons, agressions policières racistes : la vidéo dénonce, réunit et divertit. On lit moins, on aime de moins en moins écrire. On montre, et on se raconte, sur des écrans, de plus en plus. Le jour est arrivé où dans les foyers, il y a plus d’ordinateurs et de mobiles que de livres ou télés ouverts. Plus de messages Facebook ou Instagram que d’enveloppes en papier dans les boîtes aux lettres. Parallèlement les menaces qui pèsent sur nos espaces naturels se sont faites plus précises.
Opération Climat va célébrer ce commerce simple que nous, Européens, entretenons encore avec la nature, pas la nature spectaculaire qui fait l’objet de somptueux documentaires, mais celle qui est à portée de vie et que l’on sait menacée. Par nos modes de vie trop gourmands d’énergies fossiles, de viande, de pesticides.
Pour avoir un accès direct à cette matière subjective, nous avons mis en oeuvre un dispositif Internet original qui nous permettra de rayonner de Chypre à la Lituanie, de Stockholm à l’Anatolie afin de recueillir les témoignages et de les diffuser. Notre conviction est que la lutte contre le réchauffement climatique doit être une affaire intime et quotidienne, qu’elle avancera par capillarité, en réunissant des citoyens de bonne volonté : ce sont les valeurs d’origine d’Internet, espace de prise de pouvoir et de mobilisation incomparable.
De ces vidéos qui nous arriveront dans toutes les langues, nous ferons un film de 52’ (anglais, allemand, français, espagnol) diffusé sur Internet et sur les antennes d’Arte lors de la COP21 (sommet sur le climat, Paris fin 2015). Ce film sera ensuite diffusé gratuitement sur les sites et chaînes européennes qui le souhaitent.
Blandine Grosjean
Photo de une : CC Vincent Moschetti