Photo : Alex MacLean
A Juchitán, dans l’isthme du Mexique, le vent ne se repose jamais. Un souffle d’air chaud fait claquer les portes et secoue violemment les arbres. Les habitants comme la nature se sont adaptés à cette tempête permanente. Les femmes maintiennent leur coiffure en ordre en usant de gel. Le maïs s’est rétréci pour mieux résister aux rafales continuelles. Cette rareté climatique a attiré les entreprises développant les énergies alternatives. Et peu à peu sont sortis de terre des parcs entiers d’éoliennes. Il y en a actuellement 500. Ils projettent d’en implanter 5000 au total. Un business vert encouragé par le marché des droits d’émission de CO2.
Les entreprises concernées avaient lancé des campagnes informatives pour promouvoir auprès des paysans l’implantation de ces moulins à vent. Ce changement dans le paysage devait apporter un développement substantiel pour les communautés et générer des emplois. Les agriculteurs ont signé des contrats de location particulièrement bon marché avec les entreprises pour leur allouer une part de leur terrain où viendrait s’ériger l’éolienne. Mais installer une tour de trente mètres de hauteur ne se fait pas en douceur. Les drains et systèmes d’irrigation ont été détruits lors de l’installation et rendu des hectares entiers inutilisables pour le bétail ou la culture. Et une fois installées, les éoliennes ne nécessitent que quelques ingénieurs et ne génèrent pas d’emplois localement. Le montant des factures d’électricité a augmenté, l’électricité produite ne bénéficie pas aux populations locales mais est vendue aux pays voisins.
Des conflits se sont déclarés au sein des communautés car certains veulent signer les contrats et d’autres non. Aujourd’hui, quelques habitants de La Venta bloquent l’accès aux éoliennes qui se trouvent sur leur terrain car l’entreprise ne leur a toujours pas payé les sommes qu’elle leur doit depuis plus d’un an. Des habitants de Juchitán se sont organisés en constituant l’Assemblée de défense des terres et du territoire de Juchitán pour freiner l’arrivée de « nouveaux ventilateurs », comme ils les nomment là-bas.
La Banque inter-américaine de développement (BID) a annoncé il y a quelques jours qu’elle accordait un prêt de 50 millions de dollars pour ce parc d’éoliennes Eurus, aménagé par Acciona Energía México (AEM), une filiale de la société espagnole Acciona Energía. Ce projet s’intègre dans le marché des droits d’émissions de CO2 et peut générer des « crédits réduction certifiée des émissions ». Il bénéficiera ainsi de la vente de crédits carbone « d’une quantité totale de 600 000 tonnes d’émissions de CO2 évitées par an ». Juchitán est pourtant une illustration parmi d’autres de la façon dont des promoteurs de l’énergie verte, en développant des projets déconnectés des réalités locales, menacent le mode de vie de toute une communauté.
Adrien Trocmé - LARuta