Le glyphosate, molécule cancérigène ? « Improbable », a tranché l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), le jeudi 12 novembre. Le Roundup, désherbant le plus vendu au monde et dont le glyphosate est l’ingrédient principal, se retrouve ainsi blanchi de tout soupçon. Voilà qui va soulager Monsanto, l’industriel qui fabrique et commercialise le Roundup, mais qui contredit l’avis rendu en mars dernier par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il avait classé le glyphosate dans sa liste des substances « cancérogènes probables » [1].
Utilisé dans plus de 700 produits pour l’agriculture, la foresterie, les usages urbains et domestiques, le glyphosate a vu son utilisation monter en flèche avec l’arrivée des cultures OGM. La majorité des plantes génétiquement modifiées actuellement cultivées dans le monde sont « Roundup ready », c’est-à-dire résistantes au glyphosate. Ce qui permet d’épandre du glyphosate sur un champ et d’y tuer toutes les plantes sauf les OGM. En France, malgré l’absence d’OGM, le Roundup est le premier pesticide de synthèse utilisé, avec plus de 8000 tonnes déversés dans l’environnement chaque année.
Conflits d’intérêt
Comment expliquer la divergence entre les autorités sanitaires internationales et européennes ? Cela tient à la prise en compte « d’une vaste quantité d’éléments, y compris un certain nombre d’études non évaluées par le CIRC », explique l’Efsa, citée par l’Agence France presse (AFP). Mais des organisations indépendantes [2] et des élus [3] accusent l’Efsa de s’être mise au service des industriels. « La Glyphosate Task Force - qui regroupe les grands groupes de l’agro-industrie comme Monsanto, mais aussi son compatriote Dow Chemical ou encore le suisse Syngenta – s’est félicitée des conclusions des scientifiques européens », rapporte d’ailleurs l’AFP.
Recrutés à travers toute l’Europe, les experts de l’Efsa sont tenus de remplir des « déclarations publiques d’intérêt » dans lesquelles ils listent leurs éventuelles collaborations avec des firmes privées. Les dites déclarations ont été passées au crible par l’ONG Corporate europe observatory (CEO) et la journaliste d’investigation Stéphane Horel. Résultat : près de 60% des experts étaient en situation de conflit d’intérêt. L’institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques, qui a été chargé par l’Efsa de l’évaluation du glyphosate [4], n’échappe pas à la règle. Un tiers du groupe d’experts « Pesticides » sont liés à des géants de l’agrochimie : BASF et Bayer. L’avis de l’Efsa est censé éclairer la Commission européenne, qui décidera, ou non, de garder le glyphosate sur la liste des substances autorisées.