« Le monde change et avec lui toutes nos énergies » : tel est le slogan choisi par GDF Suez en 2015 pour annoncer sa métamorphose en Engie. Un changement de nom qui ressemble davantage à un ravalement de façade qu’à une véritable transformation du groupe énergétique, héritier du service public du gaz en France (GDF, partiellement privatisé en 2006) et de l’opérateur historique de l’électricité belge (Electrabel, racheté intégralement par Suez en 2005). Car, si le nom change, les sources de production d’énergie d’Engie, elles, sont toujours aussi polluantes, malgré l’ampleur des enjeux environnementaux, en particulier climatique, auxquels l’humanité est confrontée.
De grands enjeux auxquels les dirigeants du groupe paraissent imperméables : seuls 4% des capacités de production d’Engie sont issus des énergies renouvelables. Le reste provient du gaz, du charbon (qui émet 30% de plus de CO2 que le gaz naturel), du nucléaire et des grands barrages, érigés notamment en Amazonie brésilienne. Ces centrales hydroélectriques géantes sont censées produire une énergie « verte ». Mais leur bilan environnemental en matière de déforestation et d’atteintes à la biodiversité, ainsi que leur impact sociétal, notamment aux dépens des populations autochtones, sont très critiqués.
GDF Suez alias Engie continue d’investir dans des centrales au charbon, maintient en activité des centrales thermiques vétustes et très polluantes, et est pointée du doigt pour la mauvaise gestion de certaines de ses infrastructures minières (lignite), comme en Australie. Le groupe a également multiplié ses actions et dépenses de lobbying, en Europe et ailleurs, pour freiner les politiques publiques en faveur des énergies renouvelables ou pour promouvoir les gaz de schiste. Bref, le « développement durable » semble bien éloigné de ses préoccupations. Ce passif n’a pas empêché l’entreprise d’être choisie par le gouvernement français comme sponsor officiel de la conférence internationale sur le climat, la COP21, qui doit se tenir à Paris fin 2015.
L’État français porte pourtant une responsabilité non négligeable dans la conduite et la stratégie du groupe. Il possède 33% du capital et cinq représentants (sur 19) au sein de son Conseil d’administration. Le versement de généreux dividendes aux actionnaires – dont le premier d’entre eux, l’État – semble constituer le seul critère d’appréciation. En trois ans, plus de dix milliards d’euros de dividendes ont ainsi été payés. Soit deux fois plus que le bénéfice de l’entreprise sur la même période ! Une courte vue qui est même dénoncée par la Cour des comptes. Et qui interdit tout investissement de long terme dans la transformation de l’entreprise et de ses outils de production.
Si « le monde change » pour Engie, pas question en revanche d’inverser l’astronomique niveau des rémunérations de ses dirigeants : celle du PDG Gérard Mestrallet a ainsi augmenté de 21% en un an, pour atteindre 3,4 millions d’euros. Gérard Mestrallet quittera son poste en 2016 et bénéficiera encore d’une « retraite chapeau » de 800 000 euros par an. En bas de l’échelle, la sous-traitance se répand et les syndicats craignent la suppression de milliers d’emplois en Europe. La signature d’un accord mondial sur la santé au travail est l’un des rares points positifs sur le plan social. Au vu de ce piètre bilan, le monde selon Engie ne risque pas de s’améliorer.
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Ivan du Roy et Olivier Petitjean
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