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Les mesures envisagées par le gouvernement pour financer les retraites « condamneraient à la pauvreté la plupart des futurs retraités, surtout les femmes et tous ceux et celles qui ont connu et connaîtront des périodes de chômage et de précarité importantes ». Et ce, dans un contexte où, depuis quinze ans, la succession des réformes du système de retraite a « déjà fait baisser le niveau des pensions d’environ 20 % ». Ce réquisitoire est dressé par près de 400 universitaires, économistes, sociologues ou philosophes, de Philippe Corcuff à Henri Sterdyniak (Observatoire français des conjonctures économiques). Ils ont été rejoints par des responsables syndicaux (CGT, Solidaires, FSU, Unef) ou associatifs (Attac, Fondation Copernic, Agir contre le chômage…), et par plusieurs élus ou personnalités de gauche, de Cécile Duflot à Olivier Besancenot, en passant par Noël Mamère, Marie-George Buffet, Patrick Braouezec, Jean-Luc Mélenchon, des proches de Benoît Hamon, comme Razzy Hammadi, secrétaire national du PS, ou des nouveaux élus d’Europe Écologie. Ils lancent ensemble, ce 7 avril, un appel pour « faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites ».
Face à des syndicats très divisés sur le sujet, et à des leaders politiques, en particulier au PS et à Europe Écologie, plutôt timorés, cet appel vise à lancer la mobilisation alors que la première phase de concertation s’ouvre le 12 avril, sous l’égide du nouveau ministre du Travail Eric Woerth, et que le Conseil d’orientation des retraites (COR) doit adopter son nouveau rapport le 14. La bataille autour des retraites est lancée.
Solidarité entre générations
Les principales pistes gouvernementales, et du Medef, pour assurer le financement du système – l’allongement de la durée de cotisation et la suppression de l’âge légal de départ - sont battues en brèche par les signataires : « Exiger que les salariés travaillent et cotisent plus longtemps, alors que l’âge moyen de cessation d’activité est de 59 ans, ne vise qu’à baisser le niveau des pensions. De plus, cette logique remet en cause la solidarité intergénérationnelle. Il n’y a aucun sens à augmenter l’âge de la retraite alors que le chômage de masse sévit pour les jeunes. » Ils craignent également que le COR ne change le mode de calcul des cotisations, donc le montant des pensions perçues, au gré des exigences de financement de l’assurance vieillesse. « Cela aggraverait encore la baisse du niveau des pensions et contraindrait les salariés, particulièrement les salariés pauvres et effectuant les travaux pénibles, à travailler toujours plus longtemps. »
Plutôt que d’allonger l’âge de départ à la retraite « à 62, voire 65 ou 67 ans, comme le demande le Medef », l’appel propose un nouveau partage de la valeur ajoutée qui résorberait les déficits des caisses de retraite. Ses signataires rappellent que les dividendes ont explosées, passant de 3,2 % du PIB en 1982 à 8,5 % en 2007, pendant que la part des salaires dans la valeur ajoutée chutait en parallèle. Il s’agit donc de s’attaquer aux revenus financiers, qui profitent largement aux plus riches, plutôt que de demander aux salariés de « travailler toujours plus ». « Le financement des retraites est possible à condition d’en finir avec l’actuel partage éhonté de la richesse au bénéfice des revenus financiers. C’est ce partage qui constitue le tabou à faire sauter, et non l’âge de départ. Il s’agit là d’un choix politique de justice et de solidarité. » Une mobilisation « citoyenne » qui doit se mettre en place d’ici l’automne, quand le Parlement se saisira du projet de réforme.
Ivan du Roy