Faites du sport qu’ils disaient, c’est bon pour la santé. Oui mais voilà, en milieu urbain, c’est aussi un facteur aggravant d’exposition aux effets de la pollution de l’air. A fortiori quand on joue au football, sport le plus populaire en France avec plus de 2 millions de licenciés recensés par la Fédération française de football. C’est en tout cas ce que dénonce Greenpeace dans une étude publiée aujourd’hui, intitulée « Football : la pollution de l’air s’impose sur le terrain ».
L’ONG écologiste a réalisé plusieurs mesures au cours du mois de mai, aux abords de six terrains de football différents – deux à Paris, deux à Marseille et deux à Lyon. Les résultats récoltés dans les trois premières villes de France sont édifiants : dans la quasi-totalité des cas, les concentrations en dioxyde d’azote (NO2) s’y sont révélées au-dessus de la valeur limite annuelle moyenne définie au niveau européen, à savoir 40 μg/m3. Et parfois dans des proportions très largement supérieures, comme à Marseille sur le stade de La Martine, où une moyenne de 109,9 μg/m3 y a été relevée le 21 mai dernier, de 17h à 19h. Soit l’heure de pointe sur l’autoroute A7, la fameuse « autoroute du soleil » pénètre directement la cité phocéenne et au pied de laquelle se situe le fameux complexe sportif. Un cas de figure similaire dans la capitale, où tous les terrains de football se situent en bordure du périphérique.
« L’être humain ventile en moyenne 15 000 litres d’air par jour »
Or la pratique du sport, par le phénomène de ventilation accrue qu’elle engendre mécaniquement, augmente ainsi sensiblement la vulnérabilité aux pollutions de l’air : « A l’état de repos, l’être humain ventile en moyenne 15 000 litres d’air par jour. Quand on fait du sport, ce volume peut être multiplié au maximum par 10 en cas d’effort très intense, mais peut déjà être multiplié par 4 de manière très assez courante […]. En milieu urbain, les polluants inhalés (dioxyde d’azote, ozone, particules) sont tous des irritants des voies respiratoires, il y a donc un risque accru de réactivité bronchique qui peut se traduire par une augmentation du risque d’asthme et l’aggravation de maladies pulmonaires existantes », explique le docteur Giles Dixsaut, président du comité francilien contre les maladies respiratoires, interrogé dans le cadre de ce rapport.
A terme, les conséquences pour la santé humaine sont désormais bien documentées : maladies cardio-vasculaires, diabète, cancer, anomalies dans le développement de grossesse… En Europe, ce serait environ 71 000 décès prématurés qui seraient attribuables chaque année au dioxyde d’azote – 8230 en France – selon les chiffres de l’Agence européenne pour l’environnement. Un enjeu sanitaire de premier ordre qui a d’ailleurs poussé la Commission européenne à renvoyer dernièrement la France – aux côtés de l’Allemagne et du Royaume-Uni – devant la Cour de Justice européenne pour non-respect des valeurs limites fixées pour le NO2 et leurs « dépassements notables et persistants ». Les trois États sont également poursuivis pour ne pas avoir pris de mesures suffisantes pour écourter les pics de pollution [1].
Une pétition à l’intention des maires des grandes villes françaises
A la veille de la coupe du monde, qui s’ouvre vendredi en Russie, le message est clair du côté de Greenpeace : pas question de raccrocher les crampons pour autant. « Au contraire : nos villes devraient être conçues pour favoriser les pratiques sportives, en leur laissant l’espace et l’air pour se déployer. Cela implique d’agir sur les causes structurelles de la pollution de l’air, au premier rang desquelles le trafic routier et la place – encore prépondérante – de la voiture individuelle dans nos grandes agglomérations », écrit l’ONG, qui lance par la même occasion un appel à pétition à l’intention des maires des grandes villes françaises.
Les amateurs de football avaient déjà découvert le scandale des petites billes noires en caoutchouc, présentes dans les nouvelles surfaces synthétiques qui constituent les « pelouses » de certains terrains urbains, et considérées comme potentiellement hautement cancérigènes [2]. Ils sont confrontés à un nouvel adversaire sur le terrain, ou plutôt à ses abords : la pollution de l’air. Ballon rond ou bagnole, il va donc falloir choisir.
Barnabé Binctin