A l’issue d’une conférence inter-parlementaire inédite sur le Yémen qui s’est tenue ce 8 novembre à Paris, des députés français, britanniques, italiens, allemands et néerlandais ont lancé un « Appel de Paris » pour le Yémen, demandant un cessez-le-feu immédiat dans le pays, l’accès à l’aide humanitaire pour les 22 millions de Yéménites qui en dépendent, et une suspension des livraisons d’armes aux belligérants. En mobilisant un maximum de parlementaires dans le monde, ils souhaitent faire réagir les gouvernements européens, à qui ils reprochent leur inaction face à la « pire crise humanitaire au monde ». « Nous ne supportons plus de voir des images comme celle d’Amal Hussein, sept ans, en train de dépérir jusqu’à en mourir », assène le député LREM Sébastien Nadot, en référence aux photos publiées par le New York Times montrant le corps famélique d’une petite yéménite [1]. Le député a fait de la situation au Yémen son cheval de bataille.
Aujourd’hui, dans le pays assiégé par une coalition menée par l’Arabie Saoudite, un enfant meurt toutes les dix minutes de causes évitables. Pratiquement la moitié de la population est menacée de famine. Les frappes contre les civils se multiplient : en septembre, 70 % des bombardements identifiés visaient des sites non-militaires. Des centaines de milliers de civils sont pris au piège dans la ville portuaire d’Hodeidah, sur la Mer Rouge. Les forces pro-gouvernementales yéménites, appuyées par l’aviation saoudienne, semblent prêtes à reprendre la cité dans le sang. La suspension des livraisons d’armes pourrait être la clé pour obliger les parties à mettre fin au massacre.
Vers un accord européen sur la suspension des ventes d’armes ?
Les députés réunis ce jeudi à Paris ont échangé sur leurs actions respectives pour mettre fin à cette guerre. En Allemagne, où la suspension des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite a déjà été annoncée, plusieurs débats au Bundestag, le parlement allemand, ont été organisés. En Italie, où le gouvernement n’approuve plus de nouvelles demandes d’exportations militaires depuis trois ans, les parlementaires cherchent à faire adopter une résolution pour que cette guerre soit reconnue comme un conflit international, ce qui interdirait automatiquement toute nouvelle livraison d’armes aux combattants. En France, plusieurs députés, de LREM à La France insoumise, tentent d’obtenir une commission d’enquête sur les armes françaises utilisées au Yémen. Ils se heurtent pour l’instant à un mur du silence de la part des responsables de la majorité et du gouvernement.
Aux Pays-Bas, où les ventes d’armes ont aussi été suspendues, les députés voudraient que le gouvernement agisse pour l’adoption d’un accord européen sur cette question. « Nous n’aurons pas la paix si les États occidentaux continuent à fournir des armes aux parties du conflit », rappelle Sadet Karabulut, députée néerlandaise socialiste – d’origine kurde, présente à la conférence. « C’est un exemple de comment nous pouvons être plus forts ensemble. Nous devons prendre cette décision [de suspendre les ventes d’armes] ensemble », estime Lia Quartapelle, élue au parlement italien pour le Parti démocrate (centre-gauche). « Nous ferons en sorte que d’autres parlementaires rejoignent notre appel », assure Keith Vaz, député britannique travailliste lui-même né à Aden.
La France persiste et arme les pays qui bombardent le Yémen
A quelques jours de son Forum de Paris sur la Paix où il entend « réinventer le multilatéralisme » pour que « la paix, chaque jour, gagne du terrain », le Président Emmanuel Macron saura-t-il entendre cet appel ? La France, qui commémore les cent ans de la fin de la première Guerre mondiale, est certainement un pays clé dans cette bataille : en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, et comme fournisseur important de matériel militaire à la monarchie saoudienne. Contrairement à d’autres États européens, les Français continuent de livrer des armes à Riyad et aux émiratis. Les députés présents hier espèrent que leur appel et la mobilisation de plusieurs pays européens pourraient infléchir la position de Paris, et encourager les français à revenir sur leur diplomatie économique pour davantage promouvoir les droits humains.