De Philipp Morris qui a attaqué les mesures anti-tabac prises par l’Uruguay et l’Australie à la multinationale de l’énergie suédoise Vattenfall qui poursuit l’Allemagne suite à son choix de sortir du nucléaire, en passant par Chevron qui refuse d’indemniser les communautés autochtones et paysannes victimes des pollutions générées par l’extraction du pétrole en Amazonie équatorienne, nombreuses sont les entreprises multinationales qui font appel aux tribunaux d’arbitrage privés pour attaquer des décisions prises par des Etats au nom de l’intérêt général ou de la protection de l’environnement.
L’arbitrage investisseur-Etat mis en place en 1965 à l’initiative de la Banque mondiale est aujourd’hui présent dans plus de 3400 accords internationaux, dont plus de 1400 conclus par des États membres de l’Union européenne. Depuis que ces dispositifs existent, 904 cas de poursuite de ce type ont été rendus public et 60% de ces affaires, examinées au fond, ont été gagnées par les investisseurs : ils ont obtenu une indemnisation moyenne de 454 millions de dollars. Santé, fiscalité, environnement, règles sociales, tous les domaines de l’action publique peuvent être attaqués du moment que les entreprises estiment que leurs intérêts sont lésés.
A l’inverse, il n’existe pas de traité international contraignant obligeant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement et qui garantisse aux victimes un accès à la justice dans les cas où les multinationales, leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants commettent des abus et violations des droits des travailleur.e.s et communautés locales. Devenues de très puissants acteurs économiques et financiers, les multinationales ont obtenu la capacité de pouvoir, bien souvent, se soustraire à leurs responsabilités.
C’est pour remédier à ce déséquilibre et « mettre fin à l’impunité des multinationales » qu’une coalition de plus de 150 organisations (associations, ONG, collectifs citoyens, syndicats) de 16 pays européens ont rendu publique une pétition demandant aux dirigeants européens de mettre fin à de système d’exception et cette impunité. En quelques jours, ce sont plus de 270 000 personnes qui ont signé la pétition.
Cette campagne européenne, intitulée « des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales », dont la pétition n’est que le premier volet, vise à mobiliser les citoyens européens tout au long de l’année 2019 autour de deux objectifs :
- révoquer les clauses d’arbitrage entre investisseurs et États dans les traités existants ou en cours de négociation ;
- appuyer les négociations et la ratification d’un traité onusien sur les multinationales et les droits humains, ainsi qu’adopter une directive européenne sur le devoir de vigilance.
Réunissant des organisations engagées autour des accords de commerce et d’investissement et d’autres plus focalisées sur la responsabilité des multinationales, cette campagne est sans doute la campagne coordonnée de dimension européenne la plus large des campagnes existantes. A l’échelon français, 42 organisations se sont déjà engagées. Cette campagne, jalonnée de rendez-vous institutionnels déjà fixés (vote de l’accord UE-Singapour en février, session de négociation de la Cour multilatérale d’investissement en avril, ou encore négociations pour un Traité contraignant dans le cadre de l’ONU en octobre) et de mobilisations citoyennes à confirmer (avril-mai pour des actions publiques), doit se dérouler tout au long de l’année 2019.
Pétition à retrouver ici : stop-impunite.fr
Liste des organisations françaises impliquées : ActionAid France - Peuples Solidaires ; Aitec ; Alofa tuvalu ; Alternatiba ; Amis de la Terre France ; Attac France ; Banana Link ; Bizi ; Bloom ; CCFD-Terre Solidaire ; Ceras ; CGT ; Collectif Ethique sur l’étiquette ; Collectif Roosevelt ; Comité Pauvreté et Politique ; Commerce Équitable France ; Confédération paysanne ; CRID ; Fédération Artisans du Monde ; Fondation pour la Nature et l’Homme ; Fondation Copernic ; foodwatch France ; France Amérique Latine ; France Libertés ; France Nature Environnement ; FSU ; Greenpeace France ; Institut Veblen ; Le mouvement ; Ligue des droits de l’Homme ; Notre affaire à tous ; ReAct ; Réseau Foi & Justice Afrique Europe antenne de France ; Secours Catholique - Caritas France ; Sherpa ; Stop TAFTA CETA ; StopTafta14 ; Sum of us ; Syndicat de la Magistrature ; Terre des Hommes France ; Union syndicale Solidaires ; We Move