Une ferme usine de 1 000 vaches laitières et 750 veaux ! C’est le projet que veut mettre en place un industriel du BTP, au cœur de la Picardie. Cela deviendra la plus grande exploitation laitière de France : la taille moyenne des élevages est aujourd’hui de 44 vaches. Seuls 2 % des élevages comptent plus de 100 vaches. Bref, du bon lait frais en perspective…
Cette véritable usine à lait sera couplée à une unité de méthanisation de grande puissance : une centrale qui produira de l’électricité (1,5 mégawatt) grâce au méthane issu de la décomposition des matières organiques, dont les bouses de vaches. Budget de cette mégaferme ? Entre 5 et 6 millions d’euros pour la partie laitière et 6 à 7 millions pour l’unité de méthanisation. Le projet est porté par une société civile d’exploitation agricole (SCEA Côte de la justice), piloté par l’entrepreneur Michel Ramery.
Le projet a été présenté en 2011 à la population locale, qui se mobilise depuis pour le faire interdire. Les opposants s’indignent du manque de concertation : « Pendant l’enquête publique, quatre énormes classeurs difficiles à étudier et d’apparence très technique ont été soumis à la population locale », souligne l’association Novissen (Nos villages se soucient de leur environnement), en pointe du combat contre le projet.
Des vaches parquées et entassées
En février, l’enquête publique a débouché sur un avis favorable.
Le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) a donné son aval en avril. Pourtant, le méthaniseur fonctionnera avec les lisiers et les boues des stations d’épuration, récoltés dans un rayon de 110 km, explique Novissen. « Il faudra 2 700 hectares pour épandre les 40 000 tonnes annuelles de boues résiduelles issues de ce méthaniseur. Vingt-quatre communes sont déjà concernées. »
Les riverains craignent le va-et-vient incessant des camions, la dégradation des routes, et de gros problèmes environnementaux dans cette zone située à 10 kilomètres de la baie de Somme, toute proche d’un site Natura 2000. Les bovins seront élevés « en stabulation » : entassés comme des volailles en batterie, dans des bâtiments agricoles. Surface disponible : 7 m² par vache. Avec des risques de propagation de virus et de maladie décuplés…
« Ce type d’implantation signe la fin du monde paysan : avec ce modèle, combien d’élevages laitiers seront encore nécessaires en France en 2020 ? Le calcul est simple : 2 500 à la place de 70 000 ! », dénonce la Confédération paysanne, qui s’inquiète de la généralisation de telles initiatives. « L’entreprise souhaiterait à terme créer une trentaine de projets similaires. La libéralisation des quotas laitiers n’est pas anodine dans l’avènement de ces nouveaux projets. » De quoi reconfigurer totalement l’agriculture française.
Le préfet doit donner prochainement son avis sur le projet. En attendant, les manifestations se multiplient dans la région. Une pétition a recueilli plus de 20 000 signatures. Un rassemblement est prévu ce 23 juin à Amiens.
Agnès Rousseaux
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