L’exercice n’est certes pas facile. Présenter ses vœux à quatre mois de l’élection présidentielle signifie pour les candidats, et prétendants candidats, allier la forme – un peu de chaleur et de convivialité ne peuvent pas faire de mal – sans faire l’impasse sur quelques propositions de fond. À cet exercice, peu s’en sont honorablement sortis. On les attendait pugnaces et combatifs. On découvre un concours de phrases creuses, un récital de novlangue insignifiante. Le plus mauvais à ce passage obligé est sans conteste François Hollande, tant il donne l’impression de se livrer à une corvée (voir l’ensemble des vœux ci-dessous).
« Je comprends les inquiétudes, j’entends les colères, je perçois les défiances, je vois les doutes, mais je connais aussi les attentes », proclame le candidat socialiste, immobile et crispé, devant un fond rose pâle. Les colères et les attentes, on aurait aimé qu’il les incarne davantage. Surtout quand il évoque Nicolas Sarkozy et ses décisions « insuffisantes, imprudentes », son quinquennat « inconséquent, incohérent, injuste », durant lequel les valeurs de la République « ont été froissées ». Le terme semble bien faible. Et Nicolas Sarkozy a plutôt appliqué un programme finalement assez cohérent en matière de fiscalité, de (non-)redistribution des richesses, de destruction des services publics et de stigmatisation des « assistés ».
Les résolutions à reculons de François Hollande
« En 2012, je veux surtout que les Français reprennent confiance en eux-mêmes et vivent en harmonie, en solidarité, en sécurité, avec cette fierté commune de relever ensemble notre pays », poursuit le député de Corrèze. Que celles et ceux qui ne sont pas d’accord se manifestent… Quant aux voies à emprunter vers « le redressement moral », « la dynamique de croissance », et une Europe instaurant « un autre rapport avec les citoyens », elles demeurent pour le moment impénétrables. À moins qu’elles ne se résument à cette proposition fondamentale : « Plutôt que de reconduire un président qui aurait tellement changé, pourquoi ne pas changer de président tout simplement ? »
Sur le fond, à peine l’année entamée, François Hollande tourne déjà casaque en matière de justice fiscale. La fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG est de moins en moins d’actualité, ce qui pourrait remettre en cause une véritable progressivité de l’impôt. « La justice » et « l’égalité » ne sont plus des objectifs à atteindre mais sont « la condition pour que l’effort soit consenti ». Autrement dit, pour que la rigueur soit acceptée.
De Villepin oublie qu’il a été Premier ministre
François Hollande n’a pas le monopole du nébuleux. Dominique de Villepin tente de le déborder sur son côté flou : « Nous n’avons pas besoin d’un président de droite, nous n’avons pas besoin d’un président de gauche, ou d’un président du centre, nous avons besoin d’un président de tous les Français. » Voilà qui donne un cap, des orientations claires et bien définies. L’ancien Premier ministre tente de préciser sa pensée : « Ne laissons pas se creuser l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. N’oublions pas cette immense majorité de Français que constituent les classes moyennes, les classes populaires, ceux qui ne vivent que des revenus de leur travail », propose celui qui a fait voter, en faveur des plus riches, le bouclier fiscal en 2006 (alors fixé à 60 % des revenus).
Cinq ans de traversée du désert favorisent probablement l’humble remise en cause de soi. D’ailleurs, la démocratie quinquennale, c’est ce que propose l’ancien bras droit chiraquien : « Une fois tous les cinq ans, vous avez les moyens d’agir, les moyens de changer les choses. » Et entre les deux ? Garderait-il encore un mauvais souvenir de la démocratie par la rue, lorsque des centaines de milliers de lycéens et étudiants manifestaient contre le CPE ?
L’écologie, rayée des préoccupations de 2012
De son côté, François Bayrou semble confondre vœux de nouvelle année et cours magistral. En trois points, l’agrégé de lettres classiques nous explique la vie : en 2012, « il faut que nous, Français, nous sachions que nous allons nous en sortir, on va s’en sortir, la France va s’en sortir ». Pour cela, « il faut que nous imposions que l’on dise la vérité aux citoyens […]. Les citoyens ne sont pas des gogos, ce sont des responsables, et il faut les traiter comme tels, leur dire les choses comme elles sont ». Vous avez compris les enfants ?
Grand changement (c’est le maître mot de tous ces vœux) entre 2011 et 2012, le centriste Hervé Morin est passé de la cuisine au salon pour s’exprimer en compagnie de « 7 Français ». Des Français un peu plus nombreux que Jean-Luc Mélenchon a choisi d’écouter via sa tablette numérique (un cadeau de Noël ?). Le candidat du Front de gauche est sans doute celui qui se sort le mieux de l’exercice, réussissant – c’est peut-être sa grande résolution de l’année – à paraître sympathique. Eva Joly aussi a choisi son salon, sur fond de sapin de Noël. Entre deux gestes de la main, façon chef d’orchestre d’un mouvement écolo qui sort d’une fin d’année cacophonique, elle est la seule à évoquer l’environnement, thème totalement absent des autres prestations.
Un président charlatan
Le catastrophisme pointe pourtant dans toutes les voix. En cette fin d’année, l’une des plus chaudes jamais enregistrées, il n’est pas climatique mais économique et social : « La dépression économique est là, l’angoisse sociale est partout, la confiance nulle part », alerte François Hollande. Pire, la France est devenue une « terre dévastée par les ravages d’une mondialisation qu’on ne veut pas contrôler », décrit Marine Le Pen, qui a choisi de s’exprimer de son QG clandestin encerclé par les musulmans, les Roms et des jeunes à capuche, à moins que l’unique caméscope que possède le FN ne soit tombé en rade.
Mais la palme du catastrophisme – et des contrevérités – revient au Président, non encore candidat à sa succession. Il évoque « l’économie mondiale au bord de l’effondrement », une « crise inouïe », « sans doute la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale », après « trente années de désordre planétaire ». Mais quelle majorité politique inconsciente a bien pu continuer de mener la France au bord du gouffre depuis dix ans ? On s’interroge encore. Rassurons-nous, ce ne seront « ni les marchés ni les agences qui feront la politique de la France ». Le Président souhaite « donner à chacun une place dans la Nation ». C’est bien là le sens de toutes les actions et lois qu’il met en œuvre depuis cinq ans…
Ivan du Roy et Agnès Rousseaux
Photo : Occupy design
Vœux de François Hollande :
Voeux 2012 de François Hollande par Rive-gauche
Vœux de Dominique de Villepin :
Dominique de Villepin - Voeux 2012 par clubvillepin
Vœux de François Bayrou :
Voeux de François Bayrou pour l’année 2012 par bayrou
Vœux d’Hervé Morin :
31.12.2011 : Voeux d’Hervé Morin aux Français par HerveMorin2012
Vœux de Jean-Luc Mélenchon :
Jean-Luc Mélenchon : En 2012, prenez le pouvoir ! par PlaceauPeuple
Vœux d’Eva Joly :
Eva Joly - Voeux 2012 - LIberté Égalité Fraternité par evajoly
Vœux de Marine Le Pen :
Les voeux de Marine Le Pen pour l’année 2012 par MarineLePen
Vœux de Nicolas Sarkozy :
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