« C’est une façon de manifester, de faire un procès politique et de retourner le procès pour en faire celui de l’agro-industrie ». Étienne fait partie des quatre personnes qui doivent être interrogées le 27 juin prochain à Lorient. Il est poursuivi dans le cadre d’une enquête concernant l’action de désobéissance civile du collectif « Bretagne contre les fermes-usines » du 19 mars 2022.
Une cinquantaine d’activistes avaient alors érigé un mur de parpaings sur une voie ferrée située à Saint-Gérand (Morbihan), sur le passage d’un train de marchandises transportant des céréales à destination de l’alimentation animale. Le geste visait à « symboliser l’agro-industrie mortifère qui nous emmène droit dans le mur », explique Étienne, membre du collectif.
162 tonnes de blé perdues
Les manifestants ont ainsi déversé sur les voies une partie des 1390 tonnes de blé contenues dans les wagons. Ces dernières étaient destinées à la coopérative agricole Le Gouessant et à son usine de production alimentaire pour bétail ainsi qu’à l’usine de production de nourriture animale Sanders. Au total, 162 tonnes de blé en provenance de la Beauce ont été perdues, selon le journal Ouest-France.
Une information judiciaire avait été ouverte par le parquet de Lorient pour « entrave à la mise en marche ou à la circulation de trains, entrée irrégulière dans l’enceinte du chemin de fer, dépôt de matériau ou objets quelconques dans l’enceinte du chemin de fer, dégradations de biens d’autrui, en réunion ».
L’action du collectif avait été critiquée dans un contexte où l’attaque russe en Ukraine avait bloqué les exportations de blé ukrainien, l’un des plus gros producteurs de cette céréale. Les prix du blé étaient montés en flèche, mettant des pays d’Afrique et d’Asie dans des situations alimentaires difficiles (lire notre article Hausse des prix alimentaires : un jackpot pour les marchés financiers et les spéculateurs).
Des coopératives agricoles et la FDSEA parties civiles
Outre les quatre personnes convoquées dans le cadre de l’information judiciaire, quatre autres personnes ont été placées sous contrôle judiciaire. Pour leur avocat maître Jérôme Bouquet-Elkaïm, le débat va au-delà de l’action de mars 2022. « Dans un procès comme celui-là, on a du côté des victimes des personnes responsables de dommages beaucoup plus important que les auteurs d’actions de désobéissance civile, défend-il. Si on se renseigne, on découvre que l’agriculture industrielle correspond à plus de 30 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En Bretagne, 40% des émissions de gaz à effet de serre proviennent de l’agriculture. »
L’entreprise Le Gouessant, la SNCF, Millet Rail, la SAS Sanders et le conducteur de train se sont constitués partie civile. Une longue série de coopératives et de fédérations syndicales agricoles, dont la FNSEA et la FDSEA du Morbihan, s’y sont ajoutées.
« Avant l’affaire du train de Saint-Gérand, plusieurs actions sur l’importation d’OGM avaient été menées. Les acteurs agro-industriels voulaient éviter le débat, rappelle l’avocat du collectif maître Bouquet-Elkaïm. Là, ils se sont constitués partie civile. Le débat, ils vont l’avoir. » Un rassemblement de soutien est organisé autour du tribunal de Lorient le 27 juin.
Photo : ©Collectif Bretagne contre les fermes-usines