Un toit c’est un droit

Logement : Appel à se mobiliser le 28 janvier contre « une proposition de loi scélérate » de la majorité

Un toit c’est un droit

par Nils Hollenstein

Une proposition de loi de deux parlementaires de la majorité promet une répression encore plus sévère des locataires précaires et sans-logis squatteurs. Des associations appellent à une mobilisation le 28 janvier, avant l’examen du texte au Sénat.

Trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, ce sont les peines que prévoit la proposition de loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » portée par la majorité présidentielle. Le squat d’une résidence principale ou secondaire est déjà puni par la loi, d’un an d’emprisonnement. La proposition de loi, soutenue par LR et le RN, veut tripler les peines et les élargir. Adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 2 décembre dernier, elle sera discutée au Sénat le 31 janvier.

Squats et impayés de loyers, un phénomène marginal

Lors de l’examen de la proposition de loi en commission, les députés de la majorité, et notamment le rapporteur du texte Guillaume Kasbarian, ont insisté sur « la souffrance des petits propriétaires en difficulté », « victimes de squatteurs ou pris dans des procédures d’impayés interminables ». « Cette proposition de loi n’aura d’impact, effectivement, que dans des situations minoritaires, mais qui ont des conséquences insupportables, car elles mettent des gens en difficulté », assume le rapporteur.

Il s’agit de situations ultra-minoritaires. En 2021, le premier bilan de l’Observatoire des squats, lancé par le gouvernement de l’époque, conclut « que le squat n’est pas un phénomène massif en France ». Concernant les impayés de loyers, un avis publié par la Défenseure des droits fin novembre 2022, fait état de seulement 2 % d’impayés sur l’ensemble des locations en France. Dans ce même document, Claire Hédon exprime un avis défavorable sur la proposition de loi actuellement en discussion : « Au-delà de l’absence de proportionnalité, il apparaît que sur de nombreux aspects, la proposition de loi n’apporte aucun avantage aux propriétaires. »

Au-delà du squat, le texte criminaliserait plus largement « les sans-logis qui occupent un bâtiment vide ou des logements vacants pour se protéger de la violence de la rue », souligne souligne la Ligue des droits de l’Homme (LDH), « alors que 3,1 millions de logements vacants sont recensés, sans compter les usines et ateliers désaffectés, les bureaux vides… » Au-delà, les peines de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pourraient aussi être appliquées contre « les locataires dont le bail a été résilié, y compris en HLM, pour retard de loyer ou de charges », « les personnes sans bail : hébergées, victimes de marchands de sommeil », « les accédant-e-s à la propriété surendettés, qui perdent leur titre de propriété », « et même les grévistes occupant leur lieu de travail ».

Acharnement contre « les plus fragiles d’entre nous »

Cette proposition de loi vise aussi à accélérer les expulsions locatives en réduisant tous les délais et en limitant la possibilité de résorber des retards de loyer. « Or, les locataires ont de plus de mal à payer leur loyer : hausse de l’énergie et des loyers, baisse des revenus et des APL, rappelle la LDH. Pour beaucoup, il faut choisir entre manger, se chauffer, se soigner, payer son loyer. Au final, ce sera la prison pour les locataires qui refusent de se jeter à la rue d’eux-mêmes ! »

L’association Droit au Logement dénonce dans une analyse du texte« une proposition de loi scélérate » qui s’acharne sur « les victimes de la crise du logement, les plus fragiles d’entre nous, n’hésitant pas à la fois à les criminaliser, à expulser sans jugement les moins protégés, à réduire tant que possible les délais à l’expulsion, et limiter les chances des locataires de se maintenir ».

« Cette extension soudaine du domaine de la répression touche désormais tous les squats de locaux, y compris des occupations qui en pratique ne gênaient personne. Ce sont donc des milliers de pauvres gens, acculés aux marges de la ville par la hausse des prix et la précarisation de leur existence, qui risquent de se retrouver menacés de peines de prison, d’amendes allant jusqu’à 45 000 euros, de gardes à vue et de casiers judiciaires », complète Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, dans Alternatives économiques.

Un collectif d’associations et de syndicats [1] réunies sous le mot d’ordre « Se loger n’est pas un crime ! C’est un droit ! » appelle à se mobiliser dès samedi 28 janvier contre ce texte qu’ils jugent fait « pour les riches, les groupes financiers, les spéculateurs, les marchands de sommeil et les profiteurs de crise ». Le collectif demande « le retrait de cette proposition de loi et pour un véritable droit au logement avec des logements abordables, stables, décents, et écologiques pour toutes »

 Des manifestations sont prévues dans toute la France. À Paris, rendez-vous à 14h à Bastille le 28 janvier.

Nils Hollenstein

Photo : ©Anne Paq

Notes

[1Droit au Logement, Syndicat de la magistrature, Solidaires, ATD Quart monde, FSU, Secours catholique et Syndicat des avocats de France.