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98 millions d’euros. C’est le coût annuel de la campagne de vaccination obligatoire du bétail contre la fièvre catarrhale ovine (FCO), décidée par le gouvernement fin 2008. La FCO touche les ruminants et particulièrement les ovins. Elle ne se transmet pas à l’homme et ne présente a priori aucun danger pour le consommateur. Sauf exceptions, cette maladie a un impact relativement limité sur les élevages touchés [1]. On est loin de la « crise sanitaire » évoquée par les pouvoirs publics. De nombreux éleveurs, réunis au sein de 71 comités départementaux, dénoncent l’obligation de vaccin, qui serait selon eux inutile : l’immunité conférée ne serait que de 6 à 12 mois, alors que les animaux peuvent développer une immunité naturelle de quelques années au moins. La vaccination n’empêche pas la transmission de la maladie, et l’éradication totale de l’insecte véhiculant la maladie est impossible, d’autant que les cheptels des pays européens voisins n’ont pas été vaccinés. Et surtout, les éleveurs mettent en cause le fait que ces vaccins contiennent des adjuvants agressifs et allergisants, tels que l’hydroxyde d’aluminium et les sels de mercure.
Alors qu’en 2009 semblait se dessiner un consensus pour rendre facultative la vaccination, Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture et de la Pêche, a pris la décision en fin d’année de reconduire la vaccination obligatoire. Une décision prise « à la sauvette contre l’avis de la plus grand partie du monde de l’élevage » selon la Confédération paysanne. Résultat ? L’État engage depuis quelques mois des poursuites contre les éleveurs qui refusent cette vaccination. Dans le Morbihan par exemple, 196 agriculteurs n’ont pas vacciné leur bétail en 2009. 96 sont poursuivis par les pouvoirs publics.
Un acharnement à « caractère commercial » ?
La Confédération paysanne et la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) ont demandé au ministère de l’Agriculture de cesser immédiatement les poursuites « qui ne font qu’ajouter de la douleur et de l’injustice à la difficulté que traversent les paysans aujourd’hui ». Pour ces organisations, « l’énorme gaspillage de deniers publics pour contraindre les paysans à des pratiques inappropriées au problème est un scandale tant sanitaire que financier. » L’une des conséquences dramatiques a été, selon elles, le suicide la semaine dernière d’un éleveur de l’Aude, « poursuivi comme un criminel et menacé de ne pas conduire son cheptel en estive, parce qu’il n’avait pas pratiqué la vaccination FCO ».
Pourquoi cet acharnement ? Certains agriculteurs dénoncent une opération à « caractère commercial ». En 2008, au moment de l’appel d’offre du ministère, trois laboratoires pharmaceutiques ont développé des vaccins : Fort Dodge, Intervet SPAH et Mérial. Des laboratoires qui ne sont autres que les succursales ou les unités de santé animale des laboratoires pharmaceutiques Pfizer, Merck et Sanofi-Aventis. Dans un communiqué, la Confédération paysanne a rappelé que les éleveurs « ne sont pas là pour pallier les difficultés de l’industrie, et encore moins pour en devenir les otages ». Devant la grogne des éleveurs, Bruno Le Maire a annoncé fin 2009 que l’État prendrait en charge tous les coûts liés à la vaccination (achats de vaccins et frais de vétérinaire). 98 millions d’euros de fonds publics, qui auraient sans doute pu trouver une meilleure utilisation en cette période de crise agricole. Surtout la partie versée à l’industrie pharmaceutique.
Agnès Rousseaux