Diplomatie

« La communauté internationale risque d’être confrontée à une nouvelle vague de prolifération nucléaire »

Diplomatie

par Jean-Marie Collin

Le président des États-Unis Donald Trump a annoncé le mardi 8 mai que son pays se retirait de l’accord sur le nucléaire iranien, signé en 2015. Pour la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN), qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2017, il s’agit là d’une décision aux conséquences dangereuses pour la stabilité mondiale. Basta! publie une tribune de Jean-Marie Collin, porte-parole de le branche française de l’ICAN.

Le 15 juillet 2015, c’est avec un grand soulagement que la communauté internationale apprenait enfin, après 13 années d’âpres négociations, que le risque de voir l’Iran se doter de l’arme nucléaire était rendu caduc par un accord solide. Dans l’accord de Vienne — ou plan d’action commun — l’Iran réaffirmait « qu’en aucun cas il ne cherchera, ne développera ou n’acquerra d’armes nucléaires ». Un accord qui s’ajoute par ailleurs au fait que l’Iran n’envisage pas de se retirer du Traité de non-prolifération (TNP) qui lui interdit également de se doter de ce type d’arme.

L’Iran s’est engagé avec cet accord à recevoir des contrôles fréquents par les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur toutes ses infrastructures nucléaires pour garantir leur utilisation à des fins pacifiques. En échange, la communauté internationale desserrait son étau de sanctions économiques. Résultat : après trois années d’existence, tous les rapports de contrôle de l’AIEA garantissent que l’Iran respecte ses engagements ! La crainte de voir l’arme nucléaire proliférer dans toute cette région a ainsi été repoussée ; Israël restant le seul État à possédé cette arme de destruction massive au Moyen-Orient.

Cet accord démontre que la diplomatie est la meilleure arme pour lutter contre l’insécurité mondiale posée par les armes nucléaires. Sa remise en cause, de manière unilatérale, par les États-Unis ce 8 mai 2018 est une catastrophe pour la stabilité internationale et plus particulièrement pour la région du Moyen-Orient. Une décision dont nul ne peut prédire les lourdes conséquences. Par exemple, doit-on redouter, dans les prochaines semaines, une possible attaque d’Israël – comme ce fut le cas en juin 1981 sur le site irakien d’Al-Tuwaitha et sur le présumé site nucléaire syrien en septembre 2007 – sur les infrastructures iraniennes pour achever cet épisode ? Comment la Russie, alliée de l’Iran, réagira-t-elle à une attaque d’un allié des États-Unis ?

Comment la Corée du Nord pourra-t-elle encore croire à une négociation sur un processus de dénucléarisation ?

Par cette décision, le président Trump porte un coup grave à la crédibilité de tous les engagements futurs que les États-Unis pourraient réaliser. Comment la Corée du Nord pourra-t-elle croire toute future négociation sur un processus de dénucléarisation ? Cet acte envoie un signal qui induit que tout ce qui est accepté par les États-Unis peut au final ne pas être honoré. Cette décision met donc en danger la sécurité internationale.

En 2017, le comité Nobel décernait le prix Nobel de la paix à la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) pour son « travail de sensibilisation sur les conséquences humanitaires catastrophiques de toute utilisation d’armes nucléaires », ainsi que pour son « initiative inédite visant à obtenir l’interdiction de ces armes au moyen d’un traité ». Le comité Nobel souhaitait rappeler au monde le danger et les risques d’utilisation des armes nucléaires.

Avec la remise en cause de cet accord, la communauté internationale se voit confrontée encore un peut plus au risque posé par les arsenaux nucléaires et éventuellement à une nouvelle vague de prolifération nucléaire. De manière plus générale, c’est bien l’avenir du régime général de non-prolifération nucléaire qui se pose. La Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires exhorte ainsi tous les États à signaler leur rejet inconditionnel des armes nucléaires en rejoignant le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2017. Déjà 58 États ont décidé de faire ce pas.

De plus, l’ICAN encourage les autres signataires – l’Allemagne, la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni, l’Union européenne et l’Iran – à rester partie prenante de l’accord de Vienne et également à ce que Téhéran poursuive sa pleine coopération avec l’AIEA pour continuer de démontrer le caractère pacifique de son programme nucléaire. Cette politique responsable iranienne permettrait de ne pas souffler sur les braises insécuritaires créées par le président Trump.

Face au danger que représentent les armes nucléaires, face aux risques de la prolifération nucléaire, la mise en œuvre de l’interdiction complète de ces armes, puis leur élimination totale apparaît être un but encore plus vital.

Jean-Marie Collin, porte-parole de ICAN France.

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