Dessin : Rodho, avec son aimable autorisation
Dénonçant des « négociations déloyales », le syndicat Sud a décidé de quitter temporairement la table de discussion le 20 octobre. « Une rupture qui n’est pas totale », précisent les négociateurs de la deuxième organisation représentative derrière la CGT. Ce départ intervient alors que la direction du groupe annonce une série de mesures : le gel des réorganisations jusqu’au 31 décembre 2009 (au lieu du 31 octobre), l’embauche en CDI de 380 contrats précaires, CDD et apprentis (en 2008, l’entreprise a recruté un millier de CDI), la réintégration d’un millier de sous-traitants (sur 23.000 au sein du groupe). La CFE-CGC a, de son côté, claqué la porte des négociations sur le stress il y a une dizaine de jours.
Dans son communiqué, la direction « déplore » le départ des deux syndicats et les appelle « à réintégrer la négociation sur les risques psycho-sociaux afin d’aboutir ensemble à un accord dans l’intérêt de tous les salariés de France Télécom ». Premier problème : les représentants syndicaux ne savent plus vraiment avec qui ils négocient. Avec Didier Lombard, PDG du groupe, qui s’est adjoint comme conseiller spécial le « cost killer » Louis-Pierre Wenes, censé avoir été poussé vers la sortie ? Avec Olivier Barberot, directeur des ressources humaines, qui, entre deux séances de négociations, téléphone à un mystérieux interlocuteur pour prendre ses ordres ? Auprès de Stéphane Richard, nouveau n°2 du groupe et futur PDG ?
Deuxième problème : comment croire à la sincérité de ces nouvelles mesures alors que celles annoncées le 25 août par Olivier Barberot, après le 21e suicide, ne se sont toujours pas concrétisées sur le terrain. Le DRH avait promis que la médecine du travail serait davantage mobilisée et renforcée. Presque deux mois plus tard, trois médecins du travail ont déploré l’absence de tout contact et courrier avec la direction sur ce sujet, lors des assises régionales de l’Observatoire du stress de France Télécom (créé par la CFE-CGC, Sud, des sociologues et experts en santé au travail), le 14 octobre à Lyon. Les mutations sont officiellement suspendues ? Un cadre de Clermont-Ferrand raconte qu’en interne, un « jury de recrutement » vient de lui proposer une mutation à… Brest, à 800 km !
La direction de France Télécom vient également d’annoncer la mise en place de temps supplémentaire pour s’installer et se connecter à son poste de travail dans les centres d’appel (10 mn) ou « pour prendre les consignes de la journée » dans les boutiques Orange (15 mn). Ce que le communiqué ne dit pas, c’est que ce temps ne sera pas décompté du temps attribué aux salariés pour réaliser leurs objectifs. En clair : vous devrez prendre le même nombre d’appel ou vendre la même quantité de produits avec un quart d’heure en moins. Sans oublier que la convention collective des télécommunications prévoit déjà, dans les centres d’appel, dix minutes de pause toutes les deux heures. La direction se contente seulement de l’appliquer… Enfin, les « performances individuelles comparées » - la version managériale capitaliste du stakhanovisme qui encense les « meilleurs » et stigmatisent les « médiocres » - ne seront plus affichées sur les lieux de travail. Une mesure qui avait déjà été imposée par l’inspection du travail…
A la tension des négociations s’ajoutent les divisions et les batailles entre syndicats. Le 22 octobre, les 100.000 salariés du groupe sont invités à voter pour les élections des représentants des salariés au Conseil d’administration. Ceux-ci disposent de trois sièges : un à la CGT, un à Sud et un à la CFDT (collège cadre). Cette représentation ne devrait pas être bouleversée, mais la CFE-CGC espère bien ravir le siège de la CFDT chez les cadres.
Ivan du Roy