Revenu de base, revenu universel inconditionnel, allocation universelle, revenu d’existence, salaire à vie [1], revenu d’autonomie, Liber... Des appellations multiples qui recouvrent un même principe : verser à tout citoyen un revenu mensuel, de sa naissance à sa mort, sans condition ni contrepartie. D’après les mouvements qui militent pour le revenu de base [2], trois caractéristiques principales en sont au fondement : il est universel, versé sur une base individuelle et accordé de façon inconditionnelle. Mais de multiples nuances, selon les acteurs qui le reprennent à leur compte, façonnent ce dispositif.
A droite comme à gauche, des politiques s’approprient l’idée. Europe Écologie-Les Verts (EELV) s’est prononcé en faveur du revenu universel dès l’élection présidentielle de 2007. Benoit Hamon, actuel candidat du Parti socialiste (PS), en a fait une mesure phare dont les contours ont beaucoup évolué depuis le début de la campagne [3]. Lors des primaires de la droite, Nathalie Kosciuzko-Morizet et Jean-Frédéric Poisson ont également repris l’idée dans le but de remettre à plat un système d’aides sociales devenu selon eux « trop complexe » et trop coûteux.
Le revenu de base, une utopie vieille de plusieurs siècles
L’idée d’un revenu de base vient de loin. Dans son livre Utopia en 1516, le penseur britannique Thomas More défend le principe de procurer à chacun des moyens d’existence, pour lutter contre le crime. L’utopie resurgit avec la Révolution française. Le philosophe Thomas Paine, seul étranger à avoir siégé à la Convention en 1792, envisage dans son livre La Justice agraire le versement, en une fois, d’une somme prélevée sur les propriétés foncières à chaque individu âgé de 21 ans, « afin de l’aider à débuter dans le monde ». Il prévoit aussi le paiement d’une faible rente annuelle à toutes les personnes de plus de 50 ans « afin de les aider à vivre leur vieillesse sans misère ».
Ces références, qui inscrivent le revenu universel dans le prolongement de la philosophie des Lumières, agacent nombre d’économistes plus classiques, qui en font une autre interprétation. Selon le sociologue Daniel Zamora, le père unique de l’allocation universelle ne serait autre que l’économiste Milton Friedman, dont les idées ont inspiré les politiques néolibérales de Margaret Thatcher ou Ronald Reagan. Dans son livre Capitalisme et liberté (1962), Milton Friedman propose que l’État verse une allocation à toute personne en dessous du seuil de pauvreté, quelle que soit sa condition.
Selon Friedman, cet impôt négatif serait plus efficace économiquement, en donnant libre cours au jeu du marché et en mettant fin à toute socialisation des revenus, au système de sécurité sociale, aux services publics collectifs et à la bureaucratie. Entre ces conceptions antagoniques, des sociologues, politistes, économistes, philosophes, ont produit ces quarante dernières années une abondante littérature sur le revenu de base, autour de ses différentes approches et dénominations.
Déconnecter le travail du revenu
« Non au travail subi et à la précarité imposée, en finir avec les bullshit jobs. » Telle est l’aspiration distillée à travers le livre Le revenu de base, une idée qui pourrait changer nos vies, d’Olivier Le Naire et Clémentine Lebon [4]. Les auteurs interrogent ce qu’est réellement un travail nécessaire et déplorent que « seuls les travaux produisant officiellement de la richesse [soient] récompensés par un revenu ». L’enjeu consiste pour eux à déconnecter le travail du revenu. Les travaux artistiques, l’engagement bénévole dans les associations, les activités contribuant à l’intérêt général seraient ainsi valorisés, avance Baptiste Mylondo, professeur à l’Institut d’études politiques de Lyon et auteur de nombreux travaux sur le revenu universel en France.
Selon cette conception, le revenu de base offrirait dans le même temps la possibilité de développer des activités peu énergivores, et se placerait donc au service de la transition écologique. Face au mythe de l’oisiveté et de la paresse qui toucherait les allocataires du revenu de base, les défenseurs du dispositif plaident pour la confiance. « A-t-on si peu foi en l’humanité qu’on craigne qu’elle soit fainéante dès lors que l’on aura relâché la bride de la survie ? », interpelle le Mouvement français pour le revenu de base dans son dernier livre.
Décider de ce qui est utile
Déconnecter le travail de la perception d’un revenu soulève néanmoins des questions. L’économiste Jean-Marie Harribey, membre des économistes atterrés, estime qu’il y a confusion entre la marchandisation, c’est à dire l’application des règles du marché à tous les secteurs y compris les services publics, et la monétarisation des activités qui représente la validation par la société du travail fourni. Si une activité est échangée contre de l’argent, donc monétisée, c’est qu’elle rencontre une demande de la société. Or, dans le cadre du revenu d’existence, si chacun se livre de son côté aux activités qu’il souhaite en étant seul à décider, par quel mécanisme passera la validation par la société de ces activités, utiles ou non, si elle ne passe plus ni par le marché ni par l’impôt ?
Une autre interrogation concerne les métiers dangereux ou pénibles, comme ramasser les poubelles, balayer les rues ou risquer l’irradiation dans les centrales nucléaires. Qui s’occupera du ramassage des déchets ménagers si chacun décide de son activité ? A cette objection, les partisans du revenu de base avancent la réduction des déchets, l’automatisation, une nouvelle répartition des tâches et l’augmentation des salaires pour ces emplois.
Fin du travail, ou partage inégal ?
Le revenu de base repose en partie sur l’idée d’une diminution drastique de l’emploi en raison de l’automatisation des tâches. Le plein emploi serait devenu chimérique ; d’autre part la flexibilité aurait remplacé le contrat d’emploi à durée indéterminée et à temps plein, avec des horaires et des missions planifiés. Le revenu de base inconditionnel constituerait alors un dispositif social adapté à une société « ubérisée », où comme le travail, les revenus qui en découlent deviendraient intermittents. Au contraire, soutient Mateo Alatuf, professeur de sociologie spécialiste des questions relatives à l’emploi et au travail, « l’emploi a considérablement augmenté depuis un siècle ». A ses yeux, la transition écologique, les énergies renouvelables, les programmes de transports collectifs, les projets de refondation urbaine et l’assainissement de l’environnement sont porteurs d’emplois.
A travers le revenu d’existence se pose ainsi une question centrale : le travail est-il aliénant, ou est-ce un moyen de reconnaissance et d’intégration sociales ? La « fin du travail » renvoie à l’idée que le travail serait une « valeur en voie de disparition » pour la majorité de la population aujourd’hui. « Toutes les enquêtes montrent que le travail garde une place centrale comme modalité d’existence sociale dans la vie de la majorité de la population, ayant ou non un emploi », oppose l’économiste Stéphanie Treillet. « La gestion néolibérale utilise le désir de reconnaissance, le goût du travail bien fait, la volonté d’implication, pour renforcer l’auto-exploitation des travailleurs », ajoute-t-elle.
En dépit des débats sur la fin du travail, le salariat constitue encore 90% des emplois dans le monde occidental, complète Jean-Marie Harribey, pour qui le revenu d’existence enterre l’idée d’un meilleur partage des revenus et du temps de travail. « Ce n’est pas une vraie réduction que [les partisans du revenu universel] proposent, mais bien une sortie "volontaire" de certains individus de l’emploi, ce qui correspond exactement au partage du temps de travail selon le modèle néolibéral : plus de travail pour les uns et l’illusion de la liberté pour les autres », critique t-il dans l’ouvrage collectif Contre l’allocation universelle (Lux éditeur, 2016).
Un moyen d’émancipation, ou un simple RSA augmenté ?
Pour ses partisans, le revenu universel est au contraire un moyen d’émancipation, une réponse à l’enracinement du chômage de masse, aux politiques de stigmatisation des chômeurs, à l’intensification du travail et à la pression croissante du management néolibéral. « Correctement mis en place, il peut être à terme un levier vers une société plus juste et plus inclusive », estime le Mouvement français pour le revenu de base (MFRB). Il aiderait chacun à se nourrir, se loger, se vêtir et vivre dignement. En procurant à chacun la sécurité matérielle qui peut être fondamentale au développement de ses compétences, il permettrait à de nombreux citoyens « de participer à la sphère publique de manière plus libre, c’est à dire plus effective et réellement autonome », indépendamment de leur situation économique. « Le revenu de base doit être pleinement compris comme un droit fondamental et inaliénable, répondant aux trois piliers fondamentaux de notre démocratie : l’égalité sociale, la liberté individuelle et la solidarité collective », résume le MFRB.
L’ouvrage collectif Contre l’allocation universelle, appelle plutôt à une réduction du temps de travail par travailleur. Il y a un « risque, sinon, de ressentiment des travailleurs productifs envers les chômeurs », appuie Seth Ackermann, doctorante en histoire, pour laquelle il est « impossible d’avancer vers l’émancipation du travail salarié sans avoir atteint le plein emploi ». C’est la position du mouvement La France Insoumise comme du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), qui préfèrent militer pour une meilleure répartition des richesses et une réduction du temps de travail pour tous, en vue d’aboutir au plein emploi. « On est en train d’inventer un RSA socle plus développé qui permet à l’employeur de dire : "je te paie moins puisque de toutes façons tu touches ton revenu minimum". Cette formule n’est pas au point mais j’accepte d’en discuter », a récemment commenté Jean-Luc Mélenchon [5].
Le revenu de base renverra-t-il les femmes à la maison ?
Dans un contexte de fort niveau de chômage, les femmes occupent bien davantage que les hommes les emplois précaires et mal payés. Le revenu universel viendrait-il entériner cette situation, en incarnant une forme de « salaire maternel », renvoyant les femmes au foyer ? La reconnaissance du travail domestique peut être un piège, affirment plusieurs économistes [6]. D’autres comme la chercheuse Samira Ourdi affirme au contraire qu’un tel revenu, « parce qu’il concernerait tous les individus de manière « universelle » et individuelle, viendrait sans conteste renforcer l’autonomie des femmes qui sont aujourd’hui les grandes perdantes du capitalisme salarial, et donc les premières précaires » [7].
En consacrant l’individualisation fiscale et sociale, le revenu de base réduirait le risque qu’un des conjoints se retrouve dépendant de l’autre, plaide le MFRB, qui y voit un moyen d’avancer réellement vers l’égalité hommes-femmes. « Un revenu complémentaire, sous forme de revenu de base, permettrait aux mères célibataires de payer la garde de leurs enfants, et donc de continuer à travailler si elles le souhaitent. » Le MFRB relève également que ce revenu de base, en donnant à chaque individu un revenu garanti, pourrait être un outil de lutte contre la prostitution.
La question décisive du montant versé
Selon les défenseurs du revenu de base, ce dispositif permettrait en outre de « retrouver le pouvoir de dire non » à un employeur sans scrupules. Une modification du rapport de forces sur le marché du travail qui ne serait pas négligeable. Les salariés, rassurés par le revenu universel, retrouveraient un pouvoir de négociation face au patronat. Ils auraient la possibilité de refuser les travaux les plus pénibles, les plus dangereux, les moins payés. Face à eux, les employeurs seraient obligés de proposer des améliorations. Mais pour cela, encore faut-il que le montant du revenu de base soit d’un niveau suffisant.
Ses opposants estiment en effet que celui-ci pourrait pousser, au contraire, vers davantage d’emplois au rabais. La plupart des propositions formulées par les politiques situent le revenu universel en-deçà du seuil de pauvreté, établi autour de 1 000 euros par mois [8]. Un niveau insuffisant pour subvenir aux besoins fondamentaux, d’autant que les aides annexes – aide au logement, gratuité des cantines ou des crèches, etc. – pourraient, selon les approches, être appelées à disparaître, le revenu universel s’y substituant. Chacun serait donc dans l’obligation de trouver des emplois d’appoint.
Ces emplois seraient d’autant plus précaires et mal payés que les employeurs, avertis de l’existence du revenu universel, pourraient en déduire le montant, ne versant qu’un salaire de complément. Les opposants redoutent que l’utopie ne se transforme en subvention généralisée aux entreprises, les aidant à abaisser encore le coût du travail. Julia Cagé, responsable du programme économique de Benoit Hamon, nuance : « Les études sur la prime d’activité (qui remplace la prime pour l’emploi, versée aux salariés payés au Smic ou un peu plus, ndlr) ne montrent pas d’effet sur les négociations salariales. » Des mesures ont été prévues pour contrecarrer la pression sur les salaires, énonce t-elle, comme faire en sorte que les conseils d’administration comprennent 50% de salariés avec des voix décisionnelles [9].
Revenu universel, version néolibérale
Deux versions s’opposent ainsi nettement. Pour le club libéral Génération libre, le revenu de base devrait se substituer intégralement aux minimas sociaux (RSA, revenu de solidarité outremer, allocation veuvage...), aux prestations familiales (allocations familiales, allocation de rentrée scolaire...), aux bourses étudiantes et à la prime pour l’emploi. L’ensemble de ces aides serait supprimé, et le revenu de base bénéficierait de manière inconditionnelle à chacun, modeste ou aisé [10].
« Sur la base des chiffrages les plus généreux (entre 800 et 900 euros par mois pour le cas français), soit environ 10 000 euros par an et par personne, ce revenu s’élèverait à 660 milliards par an, soit environ le montant actuel de la protection sociale française, ou 30 % du PIB. Qu’en sera t-il des retraites consécutives à ces revenus au montant misérable ? », s’inquiète l’économiste Jean-Marie Harribey. A la sécurité sociale, à l’impôt progressif, aux services publics, serait-il substitué un dispositif individualisé sans mécanisme de compensation ?
Revenu universel, version progressiste
Dans l’autre camp, classé à gauche, il s’agit d’ajouter le revenu universel à la protection sociale actuelle. L’économiste et philosophe Baptiste Mylondo refuse de toucher à la protection sociale, d’augmenter la TVA, d’instaurer des taxes ciblées ou de créer de la monnaie. Il préconise une hausse de l’impôt sur le revenu et l’instauration d’une taxe progressive sur le patrimoine. D’après ses calculs, seuls les 20% les plus riches y perdraient. Cet économiste lie plus largement le revenu de base à une économie décroissante dans laquelle le montant de ce revenu pourrait décroitre, puisque les besoins monétaires, grâce au développement du don et de l’échange, ne seraient plus aussi importants.
Entre ces deux visions radicalement opposées, certains préconisent la création d’une allocation unique, à partir de la fusion de toutes les aides existantes. S’y ajouteraient, pour certains, l’allocation logement voire les allocations familiales. Pour les partisans de cette formule, y compris des ONG confrontées à des situations de grande précarité, ce système permet d’atteindre des populations qui sont actuellement exclues des dispositifs d’aide, comme les jeunes qui n’ont pas le droit au RSA avant vingt-cinq ans ou ceux rebutés par la complexité du système : plus d’un tiers des personnes éligibles au RSA ne le demandent pas [11].
Les défenseurs de cette proposition soulignent aussi l’avantage de sortir d’un dispositif compliqué, arbitraire et inquisiteur, qui parfois n’autorise aucun recours après un refus. Les opposants, s’ils reconnaissent que le système actuel est complexe et parfois injuste, redoutent que l’égalité se fasse par le bas en ramenant tout le monde au niveau du RSA.
De l’Inde à la France, de premières expérimentations
Pour l’heure, personne n’a encore démontré, concrètement et définitivement, la viabilité d’un revenu de base à grande échelle, et aucun pays n’a osé expérimenter cet outil auprès de tout ou partie de sa population sur le long terme. En revanche, des expérimentations locales ont été menées sur plusieurs mois, notamment dans l’État du Madhya Pradesh en Inde, ou en Namibie.
– Lire à ce sujet notre précédente enquête, « Revenu garanti pour tous : quand la réalité devance l’utopie ».
Depuis le 1er janvier 2017, le gouvernement finlandais a également décidé de tester un revenu de base de façon limitée : 2 000 personnes sans emploi, entre 25 et 58 ans, vont recevoir pendant deux ans 560 euros par mois. On est encore loin d’un revenu inconditionnel d’un montant décent, versé aux 5,5 millions d’habitants. Ce revenu forfaitaire remplace toutes les autres allocations, mais continuera d’être versé si la personne obtient un emploi. Le gouvernement finlandais pense que le système permettra d’encourager le retour au travail des chômeurs. Si l’expérience se révèle concluante, le dispositif pourrait être généralisé à partir de 2018. Jean-Marie Harribey tempère, rappelant le contexte dans lequel s’inscrit le dispositif : « La Finlande met en place un plan néolibéral d’austérité draconien avec en toile de fond la mystification de faire travailler davantage pour relancer l’économie. »
Un débat ouvert sur le travail et la répartition des richesses
En Suisse, une proposition d’initiative citoyenne suggérait d’accorder un revenu mensuel minimum garanti de 2 500 francs suisses (2 330 euros environ) à toutes les personnes, quels que soient leur situation et leurs revenus. Le projet soumis à une votation populaire en juin 2016, a été repoussé par 76,9% des votants. En France, des sénateurs ont publié à l’automne 2016 un rapport d’information sur « l’intérêt et les formes possibles de la mise en place d’un revenu de base en France » [12]. Ils ont invité les départements à se porter volontaires pour une expérimentation sur 20 000 à 30 000 personnes pendant trois ans. Une étude de faisabilité a été lancée par la région Nouvelle-Aquitaine en vue d’y monter une expérimentation du revenu de base.
A l’échelle européenne, Philippe Van Parijs, co-fondateur du Basic Income Earth Network (BIEN), défend un revenu de base inconditionnel de 200 euros financé par une taxe au niveau européen [13]. Baptiste Mylondo va plus loin : « C’est un revenu inconditionnel planétaire qu’il faut conserver comme idéal. » Que l’on défende ou pourfende le revenu universel, cette proposition permet de rouvrir un débat essentiel sur le rapport au travail, son partage, et l’aspiration à une meilleure répartition des richesses.
Sophie Chapelle
Dessin : © Rodho
Pour aller plus loin :
– Olivier Le Naire et Clémentine Lebon, Le revenu de base, une idée qui pourrait changer nos vies, Actes Sud, 2017.
– Mateo Alaluf et Daniel Zamora (dir.), Contre l’allocation universelle, Lux éditeur, 2016.
– Mouvement français pour un revenu de base, Pour un revenu de base universel : vers une société du choix, Ed. du Détour, 2017.
– Vincent Liegey, Stéphane Madelaine, Christophe Ondet et Anisabel Veillot, co-auteurs de Un Projet de Décroissance, Manifeste pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie, Éditions Utopia, 2013.
– Les sites internet : Basic Income European Network, Mouvement français pour le revenu de base, Association pour l’instauration d’un revenu d’existence.