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Les enfants de moins de 3 ans sont à leur tour victimes des logiques purement comptables et statistiques. Un projet de décret concocté début février par la secrétaire d’Etat à la famille, l’inénarrable Nadine Morano, vise à réduire le niveau d’encadrement des enfants accueillis en crèche ou par des assistantes maternelles. Le seuil obligatoire de présence de professionnels (puéricultrices, éducateurs de jeunes enfants…) sera abaissé de moitié. Quasiment tous les syndicats (sauf la CFTC) et de nombreuses associations, des médecins de la Protection maternelle infantile aux éducateurs en passant par les associations familiales, s’opposent à cette mesure. Dans une déclaration commune, ils dénoncent une « dégradation des dispositifs existants, au détriment des attentes des familles et des besoins fondamentaux des enfants. » Et ont lancé une carte-pétition « Pas de bébés à la consigne » déposée à Matignon le 17 février. Fait rare, les crèches se sont mis en grève pendant cette journée d’action.
Actuellement, en crèche, un adulte peut encadrer au maximum cinq enfants ne sachant pas marcher ou huit enfants commençant à gambader. Grâce à Nadine Morano, ce niveau d’encadrement ne sera plus que d’un adulte pour environ sept enfants pour les plus petits et d’un adulte pour douze pour les plus grands. De leur côté, les assistantes maternelles agréées sont pour l’instant autorisées à garder au maximum trois enfants. Elles pourront désormais en prendre quatre, voire six avec une dérogation ! La sécurité des gamins en prend un coup et le rythme de travail pour les professionnels s’intensifiera.
14 places de crèche pour 100 enfants
Ni la secrétaire d’Etat à la Famille, ni les géniaux cost-killers administratifs n’expliquent comment donner trois biberons tout en changeant trois couches, ou n’indiquent la meilleure manière de poursuivre une activité d’éveil à une dizaine de gamins tout en emmenant trois autres sur le pot. Dans ces conditions, gérer un apprentissage à la peinture pour douze bambins prompts à la moindre bêtise promet d’être un défi passionnant à relever. Ajoutons que le décret prévoit également d’augmenter les capacités d’accueil en surnombre. Une crèche de 42 places pourra ainsi accueillir 50 enfants en toute légalité. Ces responsabilités accrues et ce rythme de travail plus tendu ne se traduisent pas – bien évidemment - par une augmentation de salaire. Une éducatrice de jeunes enfants en début de carrière perçoit un salaire brut d’environ 1400 euros.
Un effort a été fourni par l’Etat et les collectivités locales pour augmenter le nombre de places en crèche depuis quelques années : 30 000 places agréées ont été créées entre 2005 et 2008. Reste que cet effort n’a pas permis de réduire l’énorme pénurie de places d’accueil pour les enfants de moins de 3 ans. On compte en moyenne seulement 14 places disponibles pour 100 enfants (hors assistante maternelle) avec de grandes inégalités, entre l’Aisne (3 places pour 100 enfants) et Paris (34 places) par exemple, ou entre la Seine-Saint-Denis (14 places) et les Hauts-de-Seine (31 places). Les collectivités locales sont de plus confrontées à une pénurie de personnel qualifié, notamment dans les grandes agglomérations : modestement payés, ne pouvant plus s’acquitter des loyers onéreux des centre-villes, éducateurs et puéricultrices sont obligés de s’expatrier en grande banlieue où ils ne bénéficient pas forcément de places en crèches pour accueillir leurs enfants pendant qu’ils vont travailler… Le décret de Nadine Morano risque de décourager les plus motivés. On voudrait faire en sorte que les mères demeurent au foyer qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Ivan du Roy