Nouveau rebondissement dans le feuilleton d’une éventuelle interdiction du glyphosate, désherbant le plus vendu au monde. Le 7 mars dernier, le comité d’experts de la Commission européenne chargé de renouveler, ou non, l’autorisation du produit pour une durée de 15 ans ne s’est finalement.... pas prononcé. La majorité nécessaire pour obtenir une décision n’a pas été obtenue. Le vote a été reporté au mois prochain, voire au mois suivant. Fait inhabituel, la Commission ne s’est donc pas contentée de l’avis rendu en novembre dernier par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui avait affirmé que le caractère cancérogène du glyphosate était « improbable ». On s’attendait donc à ce que le produit soit de nouveau autorisé en Europe, malgré son classement comme cancérogène probable par l’organisation mondiale de la santé (OMS) en mars 2015.
L’apparente contradiction entre l’avis de l’OMS et celui de l’Efsa avait soulevé la colère de nombreuses organisations de la société civile, accusant l’autorité européenne de s’être soumise aux intérêts des industriels. « L’Efsa a évalué le glyphosate pur et c’est la raison pour laquelle l’agence le trouve sans effets, éclaire le Professeur en biologie Robert Bellé (qui avait mis en évidence le caractère cancérigène du round-up dès 2002). Car pour être cancérigène, un produit doit pénétrer à l’intérieur des cellules de cet organisme. Or, le glyphosate seul ne pénètre pas dans les cellules. Il n’y a donc pas de contradictions antre les avis de l’OMS et de l’Efsa, car ils n’ont pas analysé la même chose. Le problème malgré tout est que le glyphosate pur n’existe ni dans les produits vendus ni dans la nature. » Dans les pesticides, d’autres molécules lui sont adjointes, permettant au glyphosate de pénétrer au sein des organismes.
Plainte contre l’autorité européenne de sécurité des aliments
Cette différence a été expliquée dans une publication scientifique co-signée par 96 scientifiques. Publication sur laquelle se sont appuyées six associations européennes, dont Pesticide action network (PAN) Europe et Générations futures, pour déposer plainte devant la justice allemande le 2 mars contre Monsanto, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR). Leur plainte met en cause l’évaluation de l’Efsa qu’ils jugent « trompeuse ».
Côté français, après avoir annoncé en grandes pompes en juin dernier une interdiction qui n’en était pas vraiment une, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal a demandé vendredi 12 février, à l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) de retirer les autorisations de mise sur le marché des herbicides contenant du glyphosate mélangé à des adjuvants à base d’« amines grasses de suif ». En ne sélectionnant que certains adjuvants, la ministre de l’Écologie ne règle qu’une partie du problème. Il existe en effet de nombreux autres adjuvants. Et Monsanto, par exemple, n’utilise plus d’« amines grasses de suif ». La société civile semble plus pressée que Ségolène Royal : la pétition lancée par la Ligue contre le cancer et l’association Foodwatch, intitulée « Interdiction du glyphosate, c’est maintenant ! », a été signée par plus de 120 000 personnes.