Avec plus de 470 000 morts du Covid, le Brésil est l’un des pays au monde les plus affectés par la pandémie. C’est aussi l’un des plus gros utilisateurs de pesticides dans son agriculture. Une étude réalisée par des chercheurs brésiliens et danois avec l’Association brésilienne de santé collective (Abrasco) et le Réseau international de recherche sur les polluants, Ipen (International Pollutants Elimination Network), pose aujourd’hui la question du lien possible entre la vulnérabilité au Covid et l’agro-industrie brésilienne.
Cette étude examine comment le virus interagit avec les conditions de vie environnementales de la population. Le système agricole brésilien fait partie des ces aspects environnementaux qui peuvent jouer un rôle. « L’usage intensif de pesticides affecte le système immunitaire, l’agro-industrie augmente le risque d’apparition de nouvelles zoonoses [1], et la production d’aliments industriels promeuvent l’obésité, obésité qui augmente la vulnérabilité au Covid », énumère l’étude, citée dans le site d’information brésilien indépendant Agência Pública.
« Nous avons trouvé des produits qui interfèrent avec le système immunitaire »
Nous le racontions sur Basta!, le Brésil est l’un des plus gros consommateurs de pesticides au monde. Des pesticides interdits depuis longtemps en France et dans le reste de l’Union européenne, comme l’atrazine, sont toujours utilisés en masse au Brésil : 29 tonnes d’atrazine ont été commercialisées dans le pays en 2019.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, le gouvernement autorise chaque mois l’utilisation de nouveaux produits pesticides. Même pendant la pandémie, les autorités ont permis l’utilisation de plus de 600 nouveaux pesticides. Les auteurs de l’étude ont examiné ces nouvelles substances mises sur le marché. « Nous avons trouvé des produits qui interfèrent avec le système immunitaire, qui causent des problèmes hormonaux », dit la chercheuse brésilienne Karen Friedrich au site Agência Pública.
En France, des alertes dès le printemps 2020
En France aussi, la question du lien entre pesticides et vulnérabilité au Covid a été soulevée. Au printemps 2020, plusieurs associations bretonnes (Eau et rivières, L’arbre indispensable, Les coquelicots de Betton, le Collectif de soutien aux victimes de pesticides de l’Ouest avaient demandé au préfet de suspendre l’épandage de pesticides de synthèse car « non essentiels et aggravant la détresse respiratoire des malades du coronavirus ». Deux collectifs du Sud-Ouest (collectif Info Médoc pesticides et Alerte aux toxiques) avaient formulé la même demande à leur préfecture.
Par ailleurs, un collectif de médecins et de chercheurs ont publié une tribune dans laquelle ils et elles se disent inquiets du rôle de la pollution atmosphérique, notamment de la pollution agricole, dans la transmission du Covid-19. « Tous les ans, à la même période, les épandages agricoles sont responsables de pics de pollution printaniers durant les mois de mars à mai, alertaient ces scientifiques. Ces particules printanières vont également servir de vecteur de transmission au virus. Elles peuvent voyager sur plusieurs kilomètres et donc transporter également le virus sur de longues distances ! On ne choisit pas l’air que l’on respire, et il est possible dans chaque département de protéger les populations de ce risque supplémentaire de contamination au Covid-19 en limitant drastiquement les épandages agricoles »
Aucun des préfets n’a approuvé les demandes des collectifs. Au contraire. C’est à cette période que des dérogations ont été accordées pour épandre ces produits toxiques au plus près des habitations.
Nolwenn Weiler, Rachel Knaebel
Photo : CCImagens Portal SESCSP via flickr.