En France, 10% des salariés – soit 2,2 millions de personnes – sont exposés quotidiennement à au moins un produit chimique cancérogène. Les plus vulnérables sont les ouvriers, les jeunes et les travailleurs précaires. Ces conclusions sont issues d’une longue enquête de terrain réalisée en 2009 et 2010 auprès de 48 000 salariés, représentatifs de l’ensemble des secteurs et des classes d’âge, et de 2 400 médecins du travail, par la Direction générale du travail la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) [1]. Les résultats de l’enquête viennent d’être publiés par le ministère de l’Emploi.
Parmi les secteurs les plus concernés : le BTP (bâtiments et travaux publics), avec 32 % des travailleurs exposés. La silice cristalline (indispensable pour couler bétons, mortiers et ciments...), les poussières de bois, les gaz d’échappement diesel ou encore le goudron sont les principaux produits incriminés. Dans le secteur de la maintenance (où l’on s’occupe de mécanique, d’électricité ou d’électronique), 43 % des salariés sont exposés aux huiles minérales entières (issue de la distillation et du raffinage des pétroles bruts, elles servent notamment de lubrifiants), aux gaz d’échappement diesel et aux fibres céramiques réfractaires, utilisées en particulier pour remplacer l’amiante.
Apprentis et stagiaires principalement concernés
Si, globalement, les expositions aux cancérogènes ont tendance à baisser depuis 2003, elles demeurent importantes. En 2010, 676 300 travailleurs sont exposés au gaz d’échappement diesel. Et 70 900 salariés demeurent en contact avec l’amiante, dont l’usage est interdit depuis plus d’une décennie. Les banques et assurances, ainsi que l’informatique et les télécommunications, sont les deux secteurs les moins dangereux en terme d’exposition.
Surtout, les ouvriers, qui ne constituent en France que 29 % de l’ensemble des salariés, représentent environ 70 % des travailleurs exposés ! Et les jeunes sont particulièrement concernés. 16 % des moins de 25 ans sont exposés, contre 7% des plus de 50 ans. Chez les apprentis et stagiaires, le pourcentage d’exposition grimpe même à 24% ! Les entreprises les envoient plus volontiers passer le balai ou dégraisser des pièces, deux activités à haut risque. Apprentis et stagiaires sont d’ailleurs les seuls à n’être pas concernés par la baisse des taux d’exposition aux cancérogènes constatée entre 2003 et 2010. Période pendant laquelle l’exposition générales des salariés a diminué de trois points. Grâce à la mise en place de systèmes de protection (ventilation des ateliers et ou équipements individuels de protection respiratoire, cutanée ou oculaire) ou via la substitution de molécules dangereuses par d’autres produits.
Lacunes dans les protections collectives
Les jeunes ouvriers risquent ainsi d’être victimes d’une double peine. Davantage exposés à des pénibilités et des produits dangereux, ils devront également cotiser, donc travailler, plus longtemps pour accéder à la retraite. Alors même que leur espérance de vie sans incapacité sera réduite. « Cette forte exposition des plus jeunes est un élément majeur à prendre en compte afin d’améliorer la prévention dès le début de la carrière du salarié et préserver sa santé tout au long de son activité professionnelle », souligne la Dares.
Pour espérer être protégé, mieux vaut travailler dans une grosse entreprise que dans une PME de taille modeste. « Dans les petits établissements, il n’existe pas de protection collective pour 44 % des situations d’exposition à un produit chimique cancérogène, contre 25 % dans les très grands établissements », relève le document du ministère. Qui souligne aussi qu’il reste beaucoup à faire dans ce domaine. 57 % des salariés du BTP exposés à au moins un produit chimique cancérogène n’ont aucune protection collective. Dans la maintenance, ils sont près de 40%. Quant aux protections individuelles (protection respiratoire, cutanée, oculaire), impossible, quand il y en a, de savoir si elles sont adaptées, ou même simplement utilisées.
Nolwenn Weiler