Plusieurs milliers de personnes – 11 000 selon les organisateurs, 6 200 selon la préfecture de police – ont manifesté le 9 décembre à Paris pour demander « la fin du régime d’exception qui affecte les prisonniers basques et leurs familles », à l’appel des mouvements Artisans de la Paix et Bake Bidea (« Le chemin de la paix »). La principale revendication porte sur le rapprochement des 62 personnes détenues (49 hommes et 13 femmes), réparties dans une vingtaine de prisons françaises, à plus de 600 kilomètres en moyenne du Pays basque [1].
« Les mesures d’exception, c’est le refus de libérer les prisonniers gravement malades », témoigne Joana Haramboure, fille d’un prisonnier basque incarcéré depuis 28 ans. Alors que les lois espagnoles et françaises permettent leur libération, il apparait que leurs demandes seraient presque toujours bloquées. « Les mesures d’exception, c’est aussi le maintien en prison de tous ceux qui ont droit à la conditionnelle, y compris après de très longues peines, y compris après une vie entière en prison. Ces mesures violent les droits fondamentaux des prisonniers, et les nôtres. Le droit au maintien des relations familiales, le droit à la santé, le droit à la vie. (...) Nous les voulons vivants et à la maison ! »
Une nouvelle étape dans le processus de paix
Cette manifestation fait suite à la remise des stocks d’armes, de munitions et d’explosifs de l’organisation séparatiste basque ETA, le 8 avril dernier, aux autorités françaises [2]. Un processus de paix pensé, organisé et soutenu par la société civile : les documents indiquant les caches d’armes ont ainsi été remis par le mouvement Les Artisans de la paix représenté, entre autres, par Michel Tubiana, également président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme. « Depuis qu’à notre initiative le désarmement est effectif, les choses ont progressé mais trop peu et trop lentement. La question des prisonniers, de leur éloignement, de leur regroupement et d’un traitement qui rompe avec une vision purement sécuritaire reste entière », a t-il déclaré le 9 décembre.
« Il ne s’agit ni d’ignorer le passé, ni de gommer les souffrances, ni d’exonérer quiconque de sa responsabilité, précise t-il. Il s’agit de ne pas se complaire dans le désir destructeur de poursuivre un conflit qui n’a plus de combattants. Nous ne voulons pas que dans 10, 20 ou 30 ans, on en soit encore à ressasser les conséquences d’une violence à laquelle chacun a renoncé. » Outre le souhait que les prisonniers basques soient incarcérés au centre pénitentiaire de Mont de Marsan « afin de garantir les conditions du maintien du lien familial », les organisateurs de la manifestation demandent également que les prisonniers gravement malades puissent être remis en liberté et que ceux éligibles à la mesure de libération conditionnelle puissent en bénéficier.
Une société basque unanime sur la question des prisonniers
La communauté d’agglomération Pays basque qui regroupe 158 communes côté français a adopté, le 23 septembre, une délibération demandant « au gouvernement le rapprochement des prisonniers, la libération de ceux qui sont malades ou en fin de peine ». « Nous en appelons, ni plus ni moins, à l’application du droit commun », souligne la délibération. Sous la présidence du maire UDI de Bayonne Jean-René Etchegaray, cette déclaration a été votée à l’unanimité des élus – Les Républicains, MoDem, La République en marche, Parti socialiste...
Selon le journal Le Monde, plusieurs demandes de rapprochement ou de changement de statut carcéral pourraient recevoir une réponse favorable dans les prochaines semaines. Mais il ne serait pas question d’un rapatriement généralisé. Sept détenus ont vu ces dernières semaines leur statut de « détenu particulièrement surveillé » (DPS) levé, tandis qu’un condamné atteint d’un cancer a été transféré de Fleury-Mérogis (Essonne) à la prison de Mont-de-Marsan.
– Pour aller plus loin : « La Paix Maintenant, une exigence populaire » est un court-métrage (23’) réalisé par Thomas Lacoste qui revient sur le processus de désarmement et de Paix en Pays Basque.
– Lire également : Des militants de la paix accusés de terrorisme par le ministère de l’Intérieur
Photo de Une : Manifestation du 9 décembre 2017 à Paris / compte FlickR des Artisans dela paix