C’est tout début 2006 que le projet REACH devrait être validé par la Commission européenne, après trois ans de travaux parlementaires. REACH, pour « enRegistrement, Evaluation et Autorisation des substances Chimiques », a pour but de réglementer l’utilisation de centaines de milliers de produits chimiques présents dans notre environnement, sur notre table, dans les murs de nos maisons, dans les jouets de nos enfants. Des substances à la toxicité avérée, qu’elles soient cancérigènes ou mutagènes, à plus ou moins long terme. Bien évidemment, l’industrie chimique s’est opposée à l’élaboration d’une législation, retardant les conclusions de la commission d’enquête, et se répandant en études sur les conséquences économiques d’un recadrage de l’utilisation de leurs produits. Greenpeace, qui milite pour REACH, cite les tentatives suivantes : « Une étude alarmiste réalisée pour l’association industrielle allemande (BDI) affirme qu’il pourrait y avoir entre 150 000 et 2,35 millions d’emplois perdus, ainsi qu’une perte de création de richesse nationale jusqu’à 6,4%. Toutefois, le rapport a été jugé « ni correct techniquement, ni méthodologiquement » par des économistes allemands de premier plan lors d’une conférence organisée par l’agence allemande de l’environnement (UBA). Ceci n’a pas empêché l’UIC, l’association française des industriels de la chimie, de publier en avril 2003 (et de récidiver en avril 2004) une étude reprenant la même méthodologie (dénoncée par la Direction de la prévision, une antenne du ministère français de l’Economie) pour aboutir à des chiffres tout aussi alarmistes (et qualifiés de ridicules par le cabinet du ministère français de l’Environnement) en termes d’emplois et de perte économique. »
Tchernobyl sanitaire
Greenpace ne s’est pas contenté de démonter les pressions des industriels sur les instances législatives, l’organisation a également répertorié tous les produits de la vie courante contenant des substances dites préoccupantes. Sous l’appellation Vigitox, l’ONG écologiste classe les produits en trois couleurs. Le vert indique que les produits sont garantis sans substances préoccupantes. Le jaune couronne les produits susceptibles d’être toxiques mais dont les marques ont promis de trouver une solution propre. Le rouge, enfin, est attribué aux produits dangereux ou quand les marques ont refusé de répondre à l’enquête. Le résultat est terrifiant. Sur les 33 catégories de produits recensés (lessives, dentifrices, télévisions, ordinateurs, chaussures de sport...), la majorité vire au rouge. Les produits de beauté sont également inclus dans ces marques sous l’intitulé Cosmetox. Une description des substances dangereuses est largement commentée. Qui eût cru qu’une crème hydratante Nivea Visage, supposée nourrir la peau, pouvait contenir des phthalates et des alkyphénols, susceptibles d’avoir des incidences néfastes sur l’appareil urinaire, le foie, les testicules et le lait maternel ? Qui eût cru aussi qu’un dentifrice Teraxyl, parmi les plus vendus en France, pouvait avoir les mêmes effets dévastateurs ? Dans ce paysage aux allures de Tchernobyl sanitaire, quelques bons points ont été décernés par Greenpeace dans toutes les catégories. On apprendra ainsi qu’il n’est pas dangereux de se doucher avec du savon Cadum ou que la lessive Ecover respecte l’environnement. Seule ombre au tableau, l’absence d’un label Greenpeace, façon Max Havelaar, qui pourrait recommander la consommation de produits sains et écologiques.
Vincent Le Leurch