Avec la nette victoire de Benoît Hamon à la primaire du Parti socialiste, au moins trois candidats véritablement ancrés à gauche participeront au premier tour de l’élection présidentielle.
La perspective devrait nous ravir, en particulier dans un contexte global de montée du national-populisme belliciste et d’une internationale qui, du Brésil à la Russie, en passant par les États-Unis d’Amérique, la Turquie ou les Philippines ne cesse d’inquiéter, risquant d’aggraver l’instabilité mondiale et d’affaiblir un peu plus encore les espaces multilatéraux.
Militants des mouvements sociaux et citoyens, nous ne sommes pas des témoins passifs. Malgré les revers, certaines des propositions que nous portons depuis des décennies ont désormais trouvé leur place dans l’imaginaire commun de la gauche – a fortiori de Benoît Hamon, de Yannick Jadot et de Jean-Luc Mélenchon. Nous nous en réjouissons, à un moment où nous avons plus que jamais besoin de solidarité.
Ils incarnent en effet la volonté de refuser la fatalité et, à des degrés divers, d’en terminer avec les politiques néolibérales et l’emprise de la finance sur nos vies. Chacun d’eux comprend l’urgence absolue de concrétiser une transition écologique et sociale. Tous trois avancent des idées nouvelles, et font émerger des propositions innovantes : planification écologique, revenu universel, 3 fois 1% (agroalimentaire, immobilier et publicité) redistribués à des projets citoyens, etc.
Les trois ont construit une légitimité incontestable : comme eurodéputé engagé avec la société civile contre les accords de libre-échange ou pour la justice climatique, comme candidat désigné par plus de 2 millions d’électrices et électeurs d’une primaire, ou porté par un mouvement populaire et le rassemblement de diverses tendances de « la gauche de la gauche ».
Cette affirmation d’une aspiration à une gauche réelle est une excellente nouvelle, et une formidable occasion de débattre et définir des politiques de justice et de solidarité à la hauteur des défis actuels – nationaux comme internationaux.
Nous sommes séduits par nombre des propositions des trois candidats – sans adhérer pleinement, pour autant, à la totalité de leurs programmes respectifs. Nous regrettons certes l’hégémonie masculine sur ces candidatures. Nous ne sommes pas dupes, par ailleurs, et savons les limites de chaque personnalité, de leurs parcours comme des appareils qui les portent et dont ils sont issus. Nous choisissons néanmoins d’y voir le signe d’un renouvellement profond, et la chance de lendemains plus heureux. Ils ont en effet suffisamment de points communs pour que se dessine le socle d’une gauche écologique, sociale, démocratique, égalitaire, solidaire et ouverte au monde.
Remplis de cet espoir, comme des millions de personnes qui vivent dans ce pays, nous ne pouvons accepter que le 23 avril se termine en Primaire de la gauche : le risque est bien trop grand qu’aucun des trois candidats n’accède au second tour le 7 mai. Outre la perspective de ces espérances ruinées, nous finirions spectateurs d’un duel droite/extrême-droite dont les peuples, la démocratie et la planète seraient les perdants assurés. Nous ne pouvons non plus nous résoudre au moins inacceptable des scénarios, qui supposerait de soutenir le blairisme socialement dévastateur de Macron.
Acteurs et actrices de solidarité internationale, militants de la transition, féministes, nous continuerons, quelle que soit l’issue des scrutins, de travailler à l’émergence des conditions et des forces de la transformation sociale et écologique. Nous sommes bien placés pour savoir que cette transformation se joue largement en dehors de la sphère politique. Mais nous sommes conscients des régressions démocratiques, sociales et écologiques que provoquerait la défaite de la gauche face au national-populisme. Les marches de millions de femmes dans le monde, le 21 janvier dernier, nous montrent l’exemple de l’unité et de la résistance que nous exercerons face aux populismes xénophobes et mortifères s’ils devaient l’emporter, mais nous voulons croire qu’il n’est pas trop tard et que nous pouvons encore nous en inspirer.
Hamon, Jadot et Mélenchon sont confrontés à un choix crucial : ils peuvent choisir d’approfondir les convergences et construire une gauche renouvelée sur des bases clarifiées, ou décider de s’enferrer dans leurs divergences, les querelles d’ego et d’appareils. Ils gâcheraient une opportunité unique et le spectacle des compétitions personnelles prenant le pas sur l’intérêt commun aggraverait la colère et l’indignation de toutes celles et ceux qui ne se sont pas encore résignés.
On nous objectera que leurs programmes sont trop éloignés, que certains désaccords sont indépassables. Des nuances, sinon des divergences importantes, distinguent en effet les trois propositions politiques dont ils sont porteurs : sur l’avenir du processus européen, en politique étrangère, sur la fiscalité et les mécanismes de redistribution, sur la laïcité et l’islamophobie, sur l’organisation de la décision publique et des relations entre État et territoires ou communautés...
Mais nous ne demandons pas que tous les différends soient tranchés avant l’élection, comme préalable indispensable au rassemblement. Puisqu’ils proposent tous trois des réformes institutionnelles profondes et une démocratie plus directe et participative, il nous semble au contraire que les électeurs pourraient contribuer à trancher les divergences existantes dans le cadre de ces mécanismes démocratiques rénovés ou d’un futur processus constituant.
Il ne s’agit pas d’une question de personne ou de casting, mais d’une responsabilité collective. Nous entendons en assumer notre part, mais les trois candidats portent celle d’empêcher que ces aspirations soient durablement mises en minorité le 23 avril prochain. Avec un minimum de volonté politique et de bienveillance, nous pensons qu’il est possible, car nécessaire, d’imaginer des formes d’alliances qui permettent d’éviter des régressions politiques, sociales et écologiques terribles.
Nous sommes prêts à contribuer activement à la construction d’une démarche d’unité sincère – nourrie de ce qui nous rassemble – lucide et constructive face à nos différends. Nous pourrions alors raviver l’espoir de voir la politique transformer enfin nos vies – que ces millions de vies prévalent sur des manières dépassées de faire de la politique.
Les 50 premiers signataires : Amélie Canonne, Maxime Combes, Nicolas Haeringer, Marie-Fleur Albecker, Frédéric Amiel, Armelle Andro, Sébastien Bailleul, Chloë Bénéteau, Olivier Berland, Guillaume Bled, Philippe Borrel, Aurélien Boutaud, Mériam Cheikh, Solène Clavel, Simon Cottin-Marx, Caroline Datchary, Laurence De Cock, François Dumasy, Guillaume Durin, Youssef El-Chazli, Marion Esnault, Pierre France, Marie Laure Geoffray, Anahita Grisoni, Emilie Hache, Piere Jacquemain, Vincent Jacques, Mathilde Larrère, Stéphane Lavignotte, Fanny Layani, Ben Lefetey, Yannick Mahrane, Philippe Marlière, Gabriel Mazzolini, Birgit Müller, Grégoire Niaudet, Samira Ouardi, Martin Pigeon, Judith Pigneur, Laurent Pinatel, Denys Piningre, Geoffrey Pleyers, Thomas Porcher, Julie Schwarz, Patrick Simon, Selim Smaoui, Sezin Topçu, Marie Vannetzel, Victor Vauquois, Lora Verheecke, Alice Vintenon, Jan Wörlein, Jean-Sébastien Zippert
Photo de une : source
Deux pétitions existent à ce jour :
– Pour une coalition entre Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot
– Un candidat mais pas 3 ! #1maispas3