Répression

Douze ans de prison pour avoir manifesté : le sort de Vincenzo Vecchi suspendu à l’avis de la justice européenne

Répression

par Nolwenn Weiler

Le dossier de Vincenzo Vecchi est entre les mains de la Cour de justice de l’Union européenne. En fonction de son avis, la France extradera, ou non, le jeune homme vers l’Italie, où il risque une lourde peine en vertu d’une loi héritée de Mussolini.

Voici deux ans déjà que l’affaire Vincenzo Vecchi a été déclenchée. Tout commence en août 2019 avec l’arrestation de ce charpentier d’une quarantaine d’année en Bretagne, où il vivait depuis plusieurs années. Son délit ? Avoir participé en juillet 2001 à une manifestation altermondialiste à Gênes (Italie). Problème : le délit de « dévastation et saccage » sur lequel s’appuie l’État italien pour demander son extradition a été introduit dans le code pénal par le régime fasciste dans les années 1930. Il prévoit des peines de prison très lourdes, entre 6 et 15 ans, et peut incriminer quelqu’un pour sa simple présence dans une manifestation. Par ailleurs, les mandats d’arrêt européens émis par l’Italie et ayant abouti à l’arrestation de Vincenzo par la police française servent normalement à lutter contre le terrorisme et le grand banditisme.

12 ans d’incarcération en Italie pour avoir participé aux manifestations à Gênes en 2001

À deux reprises, les juges français ont estimé que ces deux mandats d’arrêt européens étaient irréguliers. Vincenzo Vecchi demeure donc libre pour le moment. Mais l’État a renvoyé l’affaire devant la Cour de cassation. Avant de statuer, la juridiction souhaite solliciter l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne. L’audience s’est tenue ce 20 janvier, à Luxembourg. Une dizaine de membres du comité de soutien étaient présents pour une audience qui a duré plus de deux heures et où siégeaient six magistrats. « Vincenzo était représenté par trois avocats, deux français et un italien, décrit Laurence. Le gouvernement français était représenté en visio. Quant au gouvernement italien, il a brillé par son absence. » « On le comprend il ne voulait pas se retrouver à défendre une loi indéfendable et liberticide ; la loi "dévastation et saccage" », ajoute Jean-Baptiste, également membre du comité de soutien.

« La présidente a posé énormément de questions, chaque point a été débattu », reprend Laurence, rappelant que l’enjeu est essentiel : Vincenzo risque toujours plus de 12 ans d’incarcération en Italie pour sa participation aux manifestations anti G8 à Gênes en 2001. « La loi liberticide mussolinienne qui fonde le mandat d’arrêt européen à son encontre et cette peine totalement inique et absurde, peuvent-elles être validées et ainsi intégrer l’espace juridique européen ? », interroge le comité de soutien de Vincenzo, qui se bat sans relâche depuis plus de deux ans pour éviter le pire au jeune charpentier.

« Il n’y a pas que des amis de la liberté en Europe, et les gens ne sont pas des marchandises »

« Ce dossier est beaucoup plus large que le cas de Vincenzo, intervient Jean-Baptiste. Est-ce que dans l’espace juridique européen on est prêts à accepter n’importe quelle loi ? Prenons un autre exemple : celui de l’avortement. Si un mandat d’arrêt européen est émis par la Pologne à destination d’une personne qui aurait aidé une femme à avorter et qui risque d’aller en prison ; est-ce que la France va choisir de l’exécuter ? »

« L’espace européen sera-t-il un espace de libre-échange des individus ?, interroge de son côté Éric Vuillard, écrivain et soutien de toujours de Vincenzo Vecchi dans une tribune publiée par L’Obs. Ou bien veut-on que le juge puisse continuer à contrôler, afin de ne pas livrer les personnes condamnées au nom de droits iniques ? Car il n’y a pas que des amis de la liberté en Europe, et les gens ne sont pas des marchandises. » On ne connaît pas encore la date de rendu de l’avis de la Cour de justice européenne. Quel qu’il soit, ce sera ensuite à la Cour de cassation française de décider du sort de Vincenzo Vecchi.

Nolwenn Weiler