La première année au pouvoir de Milei en Argentine : plus de pauvreté et d’incertitude

par Emma Bougerol

Voilà un an que l’ultralibéral et conservateur Javier Milei est devenu président de l’Argentine. Les médias indés dressent le bilan de cette année, entre coupes budgétaires, précarisation et recul des droits des femmes et des minorités.

Portrait dessiné de la journaliste Emma Bougerol
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Le 10 décembre, c’était l’anniversaire que tout le monde n’a pas eu le cœur de fêter en Argentine. Cela fait un an que Javier Milei est président de ce pays d’Amérique latine. L’ultralibéral a pris la parole sur la chaîne nationale, le soir du premier anniversaire de son mandat. Il se félicite avant tout de son bilan économique, « la récession est terminée », dit-il, cité par elDiarioAR. Tout en ajoutant : « Cette année, vous avez déjà vu la tronçonneuse, mais elle consistait principalement à inverser les excès des dernières années kirchneristes [du nom de la présidente précédente, Cristina Kirchner, ndlr]. Maintenant vient la tronçonneuse profonde. »

La tronçonneuse, c’est le symbole des coupes dans le budget de l’État, promis lors de sa campagne – parfois en brandissant une véritable tronçonneuse. « Nous avons supprimé 34 000 emplois publics et nous faisons passer des tests d’aptitude aux autres », se félicite-t-il notamment. Pour 2025, il promet « une réforme fiscale, une réforme des retraites, une véritable réforme du travail, une réforme des lois sur la sécurité nationale, une profonde réforme pénale, une réforme politique et tant d’autres réformes que le pays attend depuis des décennies ».

« Une société plus inégale »

Ces coupes budgétaires ont certes permis de remettre certains compteurs économiques en meilleur état. « Cependant, au cours du deuxième trimestre de 2024, une augmentation sans précédent de la pauvreté a été enregistrée », note le média argentin. 55 % de la population vit maintenant sous le seuil de pauvreté, et 20 % dans une situation d’indigence.

Dans une analyse partagée sur le même site, la politologue et économiste Carolina Berardi note notamment que 168 000 emplois ont été supprimés depuis l’arrivée de Milei au pouvoir, dans le secteur public comme privé. « En revanche, des emplois "indépendants" ont été créés avec moins de droits (sans congés payés, ni primes, ni indemnités) », souligne-t-elle. La membre du Centre d’économie politique argentine conclut : « Ainsi, si un tout petit groupe peut se réjouir de cette année de présidence Milei, la majorité n’a pas vu son pouvoir d’achat s’améliorer. Le résultat de cette première année est donc une société plus inégale. »

De son côté, la revue argentine Crisis analyse « la gestion ultra-libérale de l’énergie en Argentine ». Le résultat ? « Augmentations massives des tarifs, profits extraordinaires pour une poignée d’entreprises et incertitude sur l’approvisionnement en électricité pendant l’été », écrivait le périodique indépendant en octobre.

Fermeture du ministère de la Femme, du Genre et de la Diversité

Une autre revue, Citrica, parle d’une « honte diplomatique » de l’Argentine de Milei, seul pays à avoir voté contre une résolution de l’ONU pour les droits des peuples autochtones. « Il s’agit du premier vote au sein de cette instance depuis que Gerardo Werthein a pris la chancellerie, après le départ de Diana Mondino », souligne le média. Ce représentant a été nommé par le gouvernement Milei.

Mabel Bianco, féministe et médecin, dénonce dans un article de elDiarioAR le « démantèlement total » des politiques de genre. Elle rappelle la fermeture du ministère de la Femme, du Genre et de la Diversité, le démantèlement du programme de prévention des grossesses chez les adolescentes ou encore la baisse drastique de moyens alloués au numéro téléphonique d’assistance aux victimes.

« Aujourd’hui, il ne reste plus rien de tout ce qui concerne la lutte contre la violence », affirme la militante argentine pour les droits des femmes. Selon elle, les « discours de haine » de Milei et de son entourage « génèrent une violence qui va au-delà des réseaux » : « Ceux et celles qui s’expriment, les ONG, les journalistes, des parlementaires sont persécutés. »

« Qu’attend la société argentine pour réagir ? » se demande El Salto. Le média espagnol souligne lui aussi les « coûts sociaux élevés » de ce début de mandat de Milei. Malgré une baisse de l’inflation, « l’effondrement de la consommation ainsi que l’augmentation de la pauvreté et de l’indigence suscitent des inquiétudes quant à la durabilité de l’expérience Milei ».

Le site se questionne sur les raisons de la montée de l’extrême droite dans le pays et sur le continent, et avance : « La réaction à la conquête des droits sociaux – tels que le droit à l’avortement, les droits des LGBTQI+, l’éducation sexuelle à l’école – est aggravée par le manque de sens, l’apathie et l’érosion de la politique traditionnelle. »