Entre 500 et 1000 milliards de dollars par an : c’est le magot que les Robins des bois de la finance proposent de récupérer sur les marchés financiers mondiaux pour les redistribuer. Qui sont ces nouveaux détrousseurs de spéculateurs ? C’est une coalition d’associations et de syndicats emmenés en France par Attac, en Allemagne, au Canada et au Royaume-Uni par les « Robin Hood Tax » (« Robin Hood Steuer » en Allemagne) ou la « zero zero cinque » en Italie. Nombre d’ONG et de syndicats en font partie, du Secours catholique à la CGT (Frère Tuck et Petit Jean en somme, les célèbres compagnons de Robin des Bois). Les sociaux-démocrates allemands du SPD ont également rejoint ce rassemblement hétéroclite. On attend des nouvelles de la gauche hexagonale.
Comment comptent-ils s’y prendre pour délier les bourses des shérifs de Goldman Sachs et forcer les coffres-forts des princes de la Société Générale ? Par une simple et minuscule taxe de 0,05% sur chaque opération financière transnationale. Un trader de Wall Street spécule sur l’euro… 0,05%. Un fonds de pension revend des actions…. 0,05% Un actionnaire touche des dividendes sur ses participations à l’autre bout du monde… 0,05%. Un joueur de foot transfère son confortable pécule dans une banque de Zurich… 0,05%. Environ 6.000 milliards de dollars transitent chaque jour par les virtuels circuits financiers mondiaux. 0,05% chaque jour, cela fait 3 milliards par 24h. L’Institut autrichien de recherche économique estime qu’une telle taxe pourrait rapporter entre 447 et 1022 milliards par an, même si les flux financiers baissaient considérablement. La taxe Tobin laisse la place à la taxe Robin.
Réduire les inégalités en une année
Un tel impôt pourrait permettre de réaliser les « objectifs du millénaire pour le développement » fixés par l’Onu, que tout le monde a oublié depuis le passage à l’an 2000 : réduire l’extrême pauvreté et la faim, réduire la mortalité infantile, combattre le Sida ou le paludisme, assurer l’éducation primaire pour tous… Et cela pour un coût de 170 milliards de dollars. Il resterait encore assez de liasses de billets verts pour financer l’adaptation des pays pauvres au changement climatique et leur transition énergétique pour une dépense de 150 milliards. Le solde pourrait même servir aux États endettés par la crise financière et le sauvetage des banques à préserver leurs systèmes de protection sociale. Et tout cela en une année.
Techniquement, c’est faisable sans grande difficulté, même si les inventeurs des « Credit Default Swap » ou des « Leverage Buyout » nous expliqueront le contraire lorsqu’il s’agit de mécanique financière qui ne leur profite pas. « Cet argent peut être facilement collecté via les chambres de compensation et de règlement qui sont déjà utilisées pour tout échange important et par lesquelles transite chaque transaction financière, y compris celles qui se font de gré à gré. Toute transaction importante est réalisée en trois étapes : le transfert, la compensation et le règlement. Un simple marquage électronique peut automatiquement transférer le montant de la taxe vers les services fiscaux appropriés », expliquent les Robins des Bois. Quand, sur les marchés financiers, on est capable de revendre au prix fort des produits financiers que l’on n’a pas acheté et dont le prix a baissé (vous suivez ?), on peut bien s’acquitter d’un petit 0,05%.
Angela Merkel en Richard Cœur de Lion ?
Reste à franchir un obstacle non négligeable : l’opposition de l’administration US, d’une partie du gouvernement britannique, de plusieurs États européens comme la Suède et, bien évidemment, de la City de Londres et de Wall Street à New York. Le Parlement européen, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique et la France ont déclaré y être favorables. « Je ne pense pas que cela ruinerait les marchés si nous introduisions une taxe internationale, et je vais faire campagne pour cela », a même lancé, le 20 mai, la chancelière allemande. Ralliera-t-elle d’autres seigneurs sous sa bannière pour venir en aide aux brigands altermondialistes ?
Cette taxe sur les transactions financières sera proposée par les organisations de la société civile lors du prochain G20, à Toronto les 26 et 27 juin. Les gouvernements des vingt plus grandes puissances mondiales refuseront-ils de se servir d’un tel outil fiscal pour réduire les inégalités ? Certes, la taxe ne remettra pas fondamentalement cause la folle oppression de la finance. Mais c’est une première volée de flèches contre la forteresse des spéculateurs.
Ivan du Roy