Première raison invoquée par l’ACOSS (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) : « Le trou de la Sécu serait augmenté d’au moins 5 milliards supplémentaires par rapport à ce qui était attendu initialement, à cause de la progression plus faible que prévu de la masse salariale sur laquelle sont indexées les recettes de la Sécu ». La crise économique et sociale s’apprête ainsi à asséner son grand coup de boutoir au bel édifice de notre protection sociale érigé après-guerre, dont la base est, déjà, patiemment rognée depuis quelques années.
Petite piqûre de rappel : entre 1980 en 2006, la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée des entreprises (les salaires part rapport à la rémunération du capital) est tombée de 67% à 57% en moyenne dans les quinze pays les plus riches de l’OCDE. En France, cette chute de 10 points sur un quart de siècle équivaut à 160 milliards d’€ issus des salaires — et donc de la protection sociale (retraite, chômage, santé, famille) que ceux-ci financent — qui ont été siphonnés par le capital.
Un point de masse salariale en moins correspond à environ 2 milliards d’€ de recettes en moins pour la protection sociale. Or, depuis trente ans, notre masse salariale a été constamment malmenée et réduite avec le chômage de masse, la précarisation de l’emploi et le gel des salaires. La masse salariale est également tributaire des ralentissements économiques, qu’ils soient volontaires ou non. Aujourd’hui, avec la crise, qui devrait générer d’ici 2010 quelque 8 à 10 millions de chômeurs supplémentaires dans les pays de l’OCDE, la rupture est nette.
Rien qu’en France, avec ces 160 milliards détournés depuis les années 80 vers les plus riches et la bulle financière, il n’y aurait pas eu de problèmes de pouvoir d’achat, de trou de la Sécu (15 milliards d’€ en 2008 pour son régime général, dont 8 pour la branche vieillesse) ni de déficit de l’Unedic (assurance chômage, 5 milliards d’€). Il n’aurait pas été nécessaire de « réformer » toujours plus à la baisse un système de protection sociale qui s’appuie exclusivement sur les revenus du travail tandis que les revenus du capital, exemptés de toute contribution (à part la CSG), n’ont cessé d’exploser, frisant des records d’indécence. Mieux : si ces centaines de milliards étaient restés entre les mains de ceux qui les ont gagnés (c’est-à-dire maintenus dans l’économie dite « réelle »), il n’y aurait pas eu de crise du tout !
Il est utile de rappeler que l’Etat français — mauvais payeur dont le déficit va frôler les 100 milliards — a déjà accumulé une dette de 17 milliards d’€ vis-à-vis de notre Sécurité sociale, non compensés à ce jour. Ainsi, année après année, a-t-il préservé sa trésorerie sur le dos de la solidarité nationale - que l’on souhaite anéantir pour la privatiser - et des assurés sociaux, à qui l’ont ment scandaleusement.
Avec la complicité d’une caste politique irresponsable, les financiers et autres spéculateurs ont volé l’argent de ceux qui triment : ils l’ont même dilapidé. Désormais le Roi est nu… et nous avec !!!
Sophie HANCART, animatrice du siteActuchômage et collaboratrice à Basta!