Le 10 mars 2009, une bande d’une vingtaine de personnes cagoulées et armées de barres de fer et de couteaux fait irruption dans un lycée de Gagny, blessant légèrement huit personnes. Le 15 mai 2009, une enseignante d’un collège près de Toulouse est blessée au couteau par un élève de 13 ans qu’elle avait punit. S’en suit un déferlement d’annonces plus spectaculaires les unes que les autres : installation de portiques de sécurité devant les établissements scolaires, vidéo-surveillance, habilitation donnée aux personnels d’éducation pour fouiller les cartables, proposition de loi anti-bandes…
Surfant sur l’émotion suscitée par ces faits graves, le gouvernement avance tête baissée sans se soucier ni de la réalité du terrain, ni de l’efficacité des réponses. Pire, sous couvert de répondre à des faits concrets, il développe une idéologie qui fait de la répression le seul levier d’action de la puissance publique. Un jeune introduit une arme dans un collège et on laisse penser qu’on va légiférer pour créer une nouvelle mission aux personnels d’éducation. Un groupe « cagoulé » entre dans un lycée et on met sur la table une proposition de loi dangereuse et inutile. Encore récemment, quelques médias titrent sur l’utilisation abusive des téléphones portables à l’école et le Sénat propose leur interdiction complète à l’école primaire et au collège.
L’inflation des annonces et l’agitation législative sans aucune portée sur le terrain devient inquiétante. Inquiétante parce qu’à force de gesticulations, les professionnels concernés ne vont plus croire en la capacité des politiques de changer le cours des choses. Inquiétante parce qu’au final, le pouvoir lui-même ne souhaite pas s’attaquer au nœud du problème.
Ridicules annonces, inutiles mesures
Ridicules, effectivement, parce que la plupart des annonces n’ont finalement pas été suivie d’effets. Tant mieux, dirons-nous ! A l’épreuve des contestations et de la réalité, pas de portiques, pas de fouilles…Tout juste des diagnostics de sécurité dans les collèges (obligatoires depuis 2006 dans l’Education Nationale), généralisés pour envisager des travaux de sécurisation dont la réalisation et le financement doivent être assurés par… les collectivités !
Deux annonces, réactionnaires, ont été suivies d’effet, alors que leur intérêt reste à démontrer : une loi anti-bandes toujours en discussion, contestée parce qu’elle introduit « la présomption de dangerosité » dans le droit pénal. Et la création d’Equipes Mobiles Académiques, qui telles des « sauveurs » viendront en aide aux établissements en difficulté. Ces nouvelles « EMA » pourront venir en appui des équipes éducatives. Tant mieux ! Mais elles arrivent quand les tensions sont déjà là, elles ne feront que les apaiser jusqu’au prochain incident… Finalement, on revient toujours au coeur du problème : comment prévenir des actes de violences verbales ou physiques ? Comment instaurer une relation de confiance entre les adultes et les élèves et entre élèves eux-mêmes ?
Et si on s’occupait vraiment du mal-être quotidien des élèves et de leurs enseignants ? Va-t-on longtemps continuer de laisser penser que des mesures ponctuelles et/ou spectaculaires vont permettre de prévenir la violence scolaire ? La violence à l’école est majoritairement une violence de répétition, quotidienne, qui démotive les équipes éducatives. Cette violence ne pourra être combattue qu’en s’attaquant à ses racines : le décrochage scolaire, la relégation dont sont victimes les jeunes des classes populaires. Les problèmes rencontrés au collège cristallisent les difficultés, comme le témoigne l’enquête réalisée par l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV, baromètre 2009) qui insiste sur le malaise des élèves, notamment issus des couches populaires. Cette enquête indique par exemple qu’un élève sur trois ne lit presque jamais de livres à la maison, que 40% des écoliers et collégiens suivis par un bénévole de l’association « ne prennent pas de petit-déjeuners de manière systématique », ou que près d’un collégien sur cinq a l’impression « de n’avoir d’importance pour personne » (parents, copains, professeurs).
Ces questions doivent être prises à bras le corps. En effet, une politique qui vise à lutter contre la violence dans les établissements scolaires doit s’attacher à offrir un environnement de qualité, où des adultes qualifiés (enseignants, CPE, surveillants, Conseillers d’orientations psychologiques, éducateurs spécialisés, assistantes sociales, infirmières…) sont disponibles pour assurer un suivi attentif des élèves les plus en difficultés et pour prévenir les comportements violents. Aujourd’hui, ces objectifs ne peuvent plus être le fait d’initiatives locales et ponctuelles. C’est une priorité nationale si on ne veut pas que le système éducatif et l’ascenseur social qui va avec se fissurent définitivement.
Tatiana Zuniga, Conseillère principale d’éducation détachée