Salaires

1,5 % de hausse pour les fonctionnaires, est-ce suffisant ?

Salaires

par Gaëlle Martinez

Face à l’inflation, le ministre de la Fonction Publique a annoncé une hausse de 1,5 % du point d’indice de rémunération des fonctionnaires. Pour Gaëlle Martinez, déléguée de l’Union syndicale Solidaires, c’est très loin du compte.

La hausse annoncée n’est pas du tout suffisante. On se doutait que le ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini n’annoncerait pas des choses mirobolantes, compte tenu de ce qu’il avait déjà donné l’année dernière. Il avait alors accordé 3,5 % de hausse du point d’indice et dit alors que c’était la plus forte hausse de ce point des 30 dernières années. Mais c’était déjà bien en dessous de l’enjeu, au regard de l’inflation et des pertes survenues pendant les dix années de gel du point d’indice des fonctionnaires.

Portrait de Gaëlle Martinez
Gaëlle Martinez
Déléguée générale pour la fonction publique à l’Union syndicale Solidaires.

Nous, on calcule ce que les fonctionnaires ont perdu depuis quinze ans. Pour compenser, on demande une revalorisation qui est plus proche de 20 %. Cette année, le ministre annonce 1,5 % de hausse du point d’indice. On est encore une fois vraiment très en dessous de ce qu’il aurait fallu, car l’inflation est à 5,1 %.

Le point d’indice, c’est ce qui sert à calculer la rémunération des fonctionnaires. Chaque fonctionnaire a un nombre de points qui correspond à son échelon et sa catégorie. Aujourd’hui, le point correspond à 4,85 euros bruts et va passer au premier juillet à 4,92 euros. Pour quelqu’un en début de carrière qui est à 300 points, cela correspond à 1455 euros brut aujourd’hui, 1476 euros brut à partir de juillet. Ensuite, en fonction du ministère duquel on dépend, il peut y avoir des primes.

25 euros en plus

Dans ses annonces, le ministre mélange choux, tomates, carottes et citrons pour parler d’une hausse de 2,5 % des rémunérations. Car en plus du 1,5 % il a annoncé que tous les agents publics auraient cinq points d’indice supplémentaires à partir du 1er janvier 2024.

Ce qui fait environ... 25 euros en plus. Il a annoncé que pour les plus bas salaires, il allait distribuer entre un et neuf points d’indice au 1er juillet. Par ailleurs, ils vont distribuer une prime pouvoir d’achat, de 300 à 800 euros pour tous les agents publics qui touchent moins de 3500 euros brut par mois, primes et indemnités comprises, selon des modalités qu’à ce stade on ne connaît pas.

Mais ce sera une prime unique. Le ministre joue sur la présentation. Sur le document envoyé, il réalise des simulations en prenant l’exemple d’un enseignant avec sept ans d’ancienneté qui va toucher cette prime, aura les points d’indice en plus et les 1,5 % d’augmentation du point d’indice. Mais la prime de pouvoir d’achat, les agents ne vont la toucher qu’une seule fois. Après, elle disparaît.

Pour nous, 1,5 %, c’est bien trop peu pour régler les problèmes d’attractivité de la fonction publique. On voit les difficultés qu’on a dans l’Éducation nationale, où les concours ne font pas le plein. Et on se retrouve tous les ans à faire des recrutements en « speed entretiens ». On est obligé de fermer de services dans les hôpitaux faute de personnel. On ne réglera pas le problème d’attractivité de la fonction publique si on ne paie pas mieux les agents publics. Ce n’est pas le seul problème, il y a les conditions de travail aussi, mais la dimension salariale est également indispensable à régler.

Malheureusement, dans la fonction publique, contrairement au privé, il n’y a pas de négociation annuelle obligatoire. On a normalement tous les ans une réunion qu’on appelle le « rendez-vous salarial », où le ministre annonce des mesures, qui sont insuffisantes depuis longtemps au regard des enjeux.

Pas de négociation possible

Mais nous n’avons pas de moyens de négocier. On a demandé lors de notre rencontre avec Stanislas Guérini du 12 juin à ce qu’on puisse avoir une réunion avant l’été pour rediscuter des mesures de fond. Cela nous a été refusé. Guérini a dit « on peut se revoir sur la mise en œuvre », mais pas sur le fond. Nous demandons une négociation salariale, mais nous sommes face à un mur.

À Solidaires, nous demandons le rattrapage de ce qu’on a perdu avec les années de gel du point d’indice et l’inflation. Cela nous amène autour de 20 %. Nous demandons l’indexation du point d’indice sur l’inflation, pour éviter qu’on passe notre temps à courir après le Smic sur les bas salaires. On demande l’attribution de 85 points d’indice pour toutes et tous. Et bien entendu, nous voulons des mesures d’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Nous venons de traverser un gros conflit social sur les retraites. Et pour nous, la page n’est pas tournée. Il faut que le gouvernement prenne en compte que la colère sociale est toujours présente, et qu’elle ne peut que grandir avec ce genre de non-annonce.

Alors même que le gouvernement refuse de taxer les superprofits, de s’attaquer réellement aux exonérations des entreprises, alors que la fraude fiscale est toujours un problème important, les agents publics sont de plus en plus exaspérés des conditions de travail et des conditions salariales. Agents publics, qui comme d’autres professions, étaient là pour travailler pendant la pandémie.

Gaëlle Martinez, déléguée générale pour la fonction publique à l’Union syndicale Solidaires.

Recueilli par Rachel Knaebel